Nourrir les populations a toujours été un enjeu majeur pour l’humanité. La perspective d’une population mondiale atteignant les 11 milliards de personnes annonce une compétition accrue pour les terres, qu'elles soient destinées aux cultures et à l’élevage ou à produire l’énergie nécessaire à la vie sur terre. Face à ce défi, un couplage prometteur semble se dessiner entre le photovoltaïque et le domaine agricole
En l’espace d’une dizaine d’années, l’énergie solaire est devenue l’énergie la moins chère du marché électrique et, par la même occasion, une des sources d’énergie les plus attractives. L’ambition de la France, fixée dans la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie, est ainsi d’installer une capacité de 100GW de photovoltaïque (PV) d’ici 2050.
Le volume visé soulève la question de l’espace disponible au sol et donc de la compétition pour l’utilisation de ces espaces. En effet, même si une partie des nouvelles installations se fera sur les toitures, parkings ou sera intégrée dans des éléments d'architecture urbaine, une partie se fera au sol, en zones naturelles et/ou agricoles.
Depuis les années 2000, l’agrivoltaïsme propose un nouveau modèle de production électrique qui permet de transformer la compétition pour les terres en une opportunité de cohabitation mutuellement bénéfique. Appelée encore Agri-PV, cette technique consiste à faire coexister la production d’électricité photovoltaïque et la production agricole dans une même zone, en élevant les panneaux solaires au-dessus du sol cultivé ou en intégrant des rangées de panneaux solaires entre les cultures.
D’après le rapport Flash de la mission d’information sur l’agrivoltaïsme, «Le développement de l’agrivoltaïsme peut apporter des solutions concrètes et rapides à une série de défis auxquels la France et le monde agricole sont livrés». Ce rapport constate «un engouement pour le sujet, notamment de la part des agriculteurs et des énergéticiens». Une étude menée par des chercheurs de l’Oregon State University avance qu’il suffirait de couvrir 1% des terres agricoles de la Terre pour répondre à la demande d’électricité mondiale. Ce constat soulève naturellement la curiosité.
L'agrivoltaïsme a été massivement déployé au Japon entre 2004 et 2017, avec plus de 1000 centrales agrivoltaïques en activité. L’agrivoltaïsme s’est ensuite diffusé ailleurs en Asie, en particulier en Chine où l’agrivoltaïsme est utilisé pour protéger les sols de la désertification.
En Europe les serres photovoltaïques ont été les premiers projets à être testés au début des années 2000. Depuis 2010, des systèmes de panneaux PV sur des structures en acier en plein champs voient le jour, équipés ou non de trackers.
Aux États Unis, l'agrivoltaïque a le vent en poupe et bénéficie du soutien du ministère de l'Énergie qui a prévu de consacrer 7 millions de dollars aux projets de la filière.
En France, l’agrivoltaïsme ne fait l’objet d’aucune définition légale ou réglementaire, il semble même qu’il n’existe pas de consensus sur ce qu’est l’agrivoltaïsme. Le rapport Flash le définit cependant comme une “production d’électricité décarbonée d’origine photovoltaïque sur des terres agricoles qui peuvent servir à la culture ou à l’élevage. Celle-ci implique la coexistence d’une production électrique significative et d’une production agricole significative, sur une même emprise foncière.”
L’hexagone demeure cependant un terrain de jeu très intéressant pour l’agrivoltaïsme. Le potentiel de terres mobilisables pour une installation photovoltaïque est évalué à 16 millions d’hectares, soit un peu plus de 50% des terres. Partout en France des projets se mettent en place, même si on constate que certaines régions sont plus avancées que d’autres En Nouvelle Aquitaine, par exemple, beaucoup d’appels à projets sont lancés car la zone est particulièrement favorable.
La force de l’agrivoltaïque repose sur sa capacité à faire cohabiter production d'électricité photovoltaïque et production agricole, ceci au profit du rendement global. Le déploiement de l’agrivoltaïque est ainsi conditionné par la capacité des infrastructures à créer de la valeur tant pour l’agriculteur que pour l’énergéticien car l’installation des infrastructures représente un investissement important tant en capital qu’en temps.
Le modèle d’exploitation dominant en France dans ce secteur est un modèle « agriculture first ». En France, comme le précise le rapport Flash c’est même une obligation : « La production photovoltaïque ne doit pas prendre le dessus sur la production agricole, qui ne serait qu’un simple alibi. Même si elle peut, dans certains cas, conduire à une légère baisse des rendements culturaux du fait de la réduction de l’apport lumineux, la production agricole doit être significative. L’agrivoltaïsme ne doit conduire ni à détourner les terres agricoles de leur vocation première, à savoir la production alimentaire, ni à dénaturer le cœur du métier d’agriculteur. »
Augmenter le rendement global des terres est donc à la base du couplage entre photovoltaïque et agriculture et dispose même d’un indice spécifique, le LER (Land Equivalent Ratio) qui permet de mesurer si la valeur combinée du rendement agricole et de l'énergie solaire est égale ou supérieure à ce qu'elle serait avec l'utilisation singulière des terres.
La maximisation de la production d’électricité nécessite d’optimiser des paramètres tels que les angles d'inclinaison des panneaux, leur orientation et leur pente. L'intégration du PV dans les activités agricoles représente un défi permanent, car la performance énergétique entre parfois en conflit avec le développement optimal des cultures comme avec la préservation du paysage. En conséquence, les système agrivoltaïques possèdent des modèles de production très distincts des installations classiques de PV.
De nombreux designs sont en cours d’expérimentation afin de déterminer l’espacement idéal entre les bandes de modules PV et leur distance par rapport au sol. En champs ouverts de nombreuses solutions existent, la hauteur et l'espacement des modules peuvent être ajustés pour faire pousser différents types de cultures en fonction de la lumière, de l'humidité, de la température et de l'espace requis par les plantes. Les solutions techniques sont en pleine évolution dans l’industrie solaire, avec des répercussions évidentes à terme sur la productivité des panneaux : suivi de luminosité dynamiques (trackers), modules PV semi-transparents et mobiles.
Selon James Macdonald d’ENGIE Laborelec, on identifie aujourd’hui 2 grandes catégories d’agrivoltaïsme :
• L’agrivoltaïsme élevé : dans ce type d’agrivoltaïsme, les modules PV sont posés en hauteur sur des structures en acier entre 2 et 6 mètres, dont le prix est supérieur aux structures "classiques". Ce modèle d’agrivoltaisme permet d’utiliser des engins agricoles et de développer les cultures sans limitation de hauteur.
Ces systèmes de panneaux en hauteur sont assez présents en France car ils ont été appuyés par les pouvoirs publics. Ce système est particulièrement adapté à des cultures de haute valeur, comme la vigne, les baies, les arbres fruitiers… Au plan économique, les panneaux PV remplacent ou complètent avantageusement les filets ou bâches de protection qu’il faut changer très souvent, mais implique néanmoins pour l’agriculteur un investissement initial très important.
• Un autre type d'agrivoltaïsme est représenté par des systèmes plus proches du sol, liés essentiellement à la production de plantes aromatiques ou de fourrage. Dans ce système, les plantes sont cultivées entre les rangées de panneaux PV. ENGIE a lancé un pilote sur un projet de ce type, le projet Camelia, qui vise à étudier le service rendu par l’installation de panneaux solaires bifaciaux verticaux (sous la forme de haies) sur un pâturage tout en analysant les impacts sur la production électrique. Les objectifs de ce projet pilote sont multiples :
Un autre modèle « low cost » utilise un tracker lié à un moteur qui permet d’orienter le panneau pour suivre le soleil. Comparativement au modèle Camelia, ce modèle génère également de l'électricité à midi. La technologie de ces trackers est très répandue dans le monde, avec plusieurs centaines de gigawatts installés. Ce n’est pas une nouveauté et les installations sont de plus en plus économiques.
Pour James Macdonald, l’industrie continue à être dominée par les technologies de silicium qui représentent plus de 90% de toutes les installations dans le monde et viennent d’atteindre la barre du terawatt-crète installé dans le monde.
Quelques autres technologies deviennent de plus en plus pertinentes, comme les films photovoltaïques, CIGS, le perovskite, le PV organique, mais toutes ces technologies restent encore plus chères que la technologie au silicium.
En Espagne, Italie, Israël, France, ont eu lieu des tests de cellules « next generation » intégrées dans des ombrières ou dans des toits, mais également des essais de serres low cost en plastique ou de polytunnels intégrant des cellules photovoltaïques.. Notons que ces solutions posent à terme les mêmes problèmes de durabilité que les films plastiques.
Les zones à très haute irradiance comme le Moyen Orient sont des terrains de test intéressants pour des serres high tech intégrant des films photovoltaïques moins opaques. Des dispositifs PV dits à « sélection spectrale » et des technologie de concentrateurs solaires luminescents permettent de focaliser différentes longueurs d'onde du spectre solaire sur les plantes et les modules.
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