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Agrivoltaïsme, de la compétition à la complémentarité
Nouvelles énergies 28/06/2022

Agrivoltaïsme, de la compétition à la complémentarité

Panorama des défis technologiques, économiques et environnementaux de la production d’énergie solaire sur les terres agricoles. 

Nourrir les populations a toujours été un enjeu majeur pour l’humanité. La perspective d’une population mondiale atteignant les 11 milliards de personnes annonce une  compétition accrue pour les terres, qu'elles soient destinées aux cultures et à l’élevage ou à produire l’énergie nécessaire à la vie sur terre. Face à ce défi, un couplage prometteur semble se dessiner entre le photovoltaïque et le domaine agricole

En l’espace d’une dizaine d’années, l’énergie solaire est devenue l’énergie la moins chère du marché électrique et, par la même occasion, une des sources d’énergie les plus attractives. L’ambition de la France, fixée dans la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie, est ainsi d’installer une capacité de 100GW de photovoltaïque (PV) d’ici 2050. 

Le volume visé soulève la question de l’espace disponible au sol et donc de la compétition pour l’utilisation de ces espaces. En effet, même si une partie des nouvelles installations se fera sur les toitures, parkings ou sera intégrée dans des éléments d'architecture urbaine, une partie se fera au sol, en zones naturelles et/ou agricoles.

Depuis les années 2000, l’agrivoltaïsme propose un nouveau modèle de production électrique qui permet de transformer la compétition pour les terres en une opportunité de cohabitation mutuellement bénéfique. Appelée encore Agri-PV, cette technique consiste à faire coexister la production d’électricité photovoltaïque et la production agricole dans une même zone, en élevant les panneaux solaires au-dessus du sol cultivé ou en intégrant des rangées de panneaux solaires entre les cultures.

D’après le rapport Flash de la mission d’information sur l’agrivoltaïsme, «Le développement de l’agrivoltaïsme peut apporter des solutions concrètes et rapides à une série de  défis  auxquels  la  France  et  le  monde  agricole  sont  livrés». Ce rapport constate «un engouement pour le sujet, notamment de la part des agriculteurs et des énergéticiens». Une étude menée par des chercheurs de l’Oregon State University avance qu’il suffirait de couvrir 1% des terres agricoles de la Terre pour répondre à la demande d’électricité mondiale. Ce constat soulève naturellement la curiosité. 

Un intérêt mondial pour la technologie agri-PV

L'agrivoltaïsme a été massivement déployé au Japon entre 2004 et 2017, avec  plus de 1000 centrales agrivoltaïques en activité. L’agrivoltaïsme s’est ensuite diffusé ailleurs en Asie, en particulier en Chine où l’agrivoltaïsme est utilisé pour protéger les sols de la désertification.

En Europe les serres photovoltaïques ont été les premiers projets à être testés au début des années 2000. Depuis 2010, des systèmes de panneaux PV sur des structures en acier en plein champs voient le jour, équipés ou non de trackers.

Aux États Unis, l'agrivoltaïque a le vent en poupe et bénéficie du soutien du ministère de l'Énergie qui a prévu de consacrer 7 millions de dollars aux projets de la filière.

En France, l’agrivoltaïsme ne fait l’objet d’aucune définition légale ou réglementaire, il semble même qu’il n’existe pas de consensus sur ce qu’est l’agrivoltaïsme.  Le rapport Flash le définit cependant comme une “production d’électricité décarbonée d’origine photovoltaïque sur des terres agricoles qui peuvent servir à la culture ou à l’élevage. Celle-ci  implique  la coexistence d’une production électrique significative et d’une production agricole significative, sur une même emprise foncière.

L’hexagone demeure cependant un terrain de jeu très intéressant pour l’agrivoltaïsme. Le potentiel de terres mobilisables pour une installation photovoltaïque est évalué à 16 millions d’hectares, soit un peu plus de 50% des terres. Partout en France des projets se mettent en place, même si on constate que certaines régions sont plus avancées que d’autres En Nouvelle Aquitaine, par exemple, beaucoup d’appels à projets sont lancés car la zone est particulièrement favorable.

Forces et faiblesse d’un nouveau modèle d’exploitation

La force de l’agrivoltaïque repose sur sa capacité à faire cohabiter production d'électricité photovoltaïque et production agricole, ceci au profit du rendement global. Le déploiement de l’agrivoltaïque est ainsi conditionné par la capacité des infrastructures à créer de la valeur tant pour l’agriculteur que pour l’énergéticien car l’installation des infrastructures représente un investissement important tant en capital qu’en temps. 

Le modèle d’exploitation dominant en France dans ce secteur est un modèle « agriculture first ». En France, comme le précise le rapport Flash c’est même une obligation : « La production photovoltaïque ne doit pas prendre le dessus sur la production agricole, qui ne serait qu’un simple alibi. Même si elle peut, dans certains cas, conduire à une légère baisse des rendements culturaux du fait de la réduction de l’apport lumineux, la production agricole doit être significative.  L’agrivoltaïsme ne doit conduire ni à détourner les terres agricoles de leur vocation première, à savoir la production alimentaire, ni à dénaturer le cœur du métier d’agriculteur. » 

Augmenter le rendement global des terres est donc à la base du couplage entre photovoltaïque et agriculture et dispose même d’un indice spécifique, le LER (Land Equivalent Ratio) qui permet de mesurer si la valeur combinée du rendement agricole et de l'énergie solaire est égale ou supérieure à ce qu'elle serait avec l'utilisation singulière des terres. 

La maximisation de la production d’électricité nécessite d’optimiser des paramètres tels que les angles d'inclinaison des panneaux, leur orientation et leur pente. L'intégration du PV dans les activités agricoles représente un défi permanent, car la performance énergétique entre parfois en conflit avec le développement optimal des cultures comme avec la préservation du paysage. En conséquence, les système agrivoltaïques possèdent des modèles de production très distincts des installations classiques de PV.

De nombreux designs sont en cours d’expérimentation afin de déterminer l’espacement idéal entre les bandes de modules PV et leur distance par rapport au sol. En champs ouverts de nombreuses solutions existent, la hauteur et l'espacement des modules peuvent être ajustés pour faire pousser différents types de cultures en fonction de la lumière, de l'humidité, de la température et de l'espace requis par les plantes. Les solutions techniques sont en pleine évolution dans l’industrie solaire, avec des répercussions évidentes à terme sur la productivité des panneaux : suivi de luminosité dynamiques (trackers), modules PV semi-transparents et mobiles. 

Deux options économiques pour l’agrivoltaïque

Selon James Macdonald d’ENGIE Laborelec, on identifie aujourd’hui 2 grandes catégories d’agrivoltaïsme : 

L’agrivoltaïsme élevé : dans ce type d’agrivoltaïsme, les modules PV sont posés en hauteur sur des structures en acier entre 2 et 6 mètres, dont le prix est supérieur aux structures "classiques". Ce modèle d’agrivoltaisme permet d’utiliser des engins agricoles et de développer les cultures sans limitation de hauteur. 

Ces systèmes de panneaux en hauteur sont assez présents en France car ils ont été appuyés par les pouvoirs publics. Ce système est particulièrement adapté à des cultures de haute valeur, comme la vigne, les baies, les arbres fruitiers…  Au plan économique, les panneaux PV remplacent ou complètent avantageusement les filets ou bâches de protection qu’il faut changer très souvent, mais implique néanmoins pour l’agriculteur un investissement initial très important.

Un autre type d'agrivoltaïsme est représenté par des systèmes plus proches du sol, liés essentiellement à la production de plantes aromatiques ou de fourrage. Dans ce système, les plantes sont cultivées entre les rangées de panneaux PV. ENGIE a lancé un pilote sur un projet de ce type, le projet Camelia, qui vise à étudier le service rendu par l’installation de panneaux solaires bifaciaux verticaux (sous la forme de haies) sur un pâturage tout en analysant les impacts sur la production électrique. Les objectifs de ce projet pilote sont multiples : 

  • Mesurer les effets agronomiques de l’installation : les microclimats aérien et souterrain, la croissance, la production de biomasse et la qualité de la ressource fourragère, la fertilité et les stocks de carbone du sol,
  • Etudier le comportement des bovins et la compatibilité des structures verticales avec l’utilisation d’engins agricoles,
  • Evaluer les effets sur la biodiversité. 
  • Modéliser la production énergétique de ce type de technologie solaire. 

Un autre modèle « low cost » utilise un tracker lié à un moteur qui permet d’orienter le panneau pour suivre le soleil. Comparativement au modèle Camelia, ce modèle génère également de l'électricité à midi. La technologie de ces trackers est très répandue dans le monde, avec plusieurs centaines de gigawatts installés. Ce n’est pas une nouveauté et les installations sont de plus en plus économiques.  

Une technologie dominante et les pistes alternatives

Pour James Macdonald,  l’industrie continue à être dominée par les technologies de silicium qui représentent plus de 90% de toutes les installations dans le monde et viennent d’atteindre la barre du terawatt-crète installé dans le monde. 

Quelques autres technologies deviennent de plus en plus pertinentes, comme les films photovoltaïques, CIGS, le perovskite, le PV organique, mais toutes ces technologies restent encore plus chères que la technologie au silicium.  

En Espagne, Italie, Israël, France, ont eu lieu des tests de cellules « next generation » intégrées dans des ombrières ou dans des toits, mais également des essais de serres low cost en plastique ou de polytunnels intégrant des cellules photovoltaïques.. Notons que ces solutions posent à terme les mêmes problèmes de durabilité que les films plastiques. 

Les zones à très haute irradiance comme le Moyen Orient sont des terrains de test intéressants pour des serres high tech intégrant des films photovoltaïques moins opaques.  Des dispositifs PV dits à « sélection spectrale » et des technologie de concentrateurs solaires luminescents permettent de focaliser différentes longueurs d'onde du spectre solaire sur les plantes et les modules. 

Projets agrivoltaïques développés par ENGIE  

 L’agrivoltaïsme représente pour ENGIE un atout pour atteindre ses  objectifs de production d’énergie renouvelable à hauteur de 400 GW d’içi 2030.  On peut noter qu’ENGIE est techno-agnostique, certaines BUs travaillant avec du PV élevé, d’autres avec des solutions moins chères, ou encore avec les serres. ENGIE Green est notamment  partenaire de SunAgri en France.
Comme le note James Macdonald : « La GBU Renouvelables vient construire en Sicile un projet agrivoltaïque de 104 MWp. C’est un vrai premier pas pour le Groupe dans ce secteur. On est encore en train de définir le modèle agricole mais 95% de la surface vont être dédiés au foin. Il est prévu de semer dès la mise en route de la centrale photovoltaïque, mi-juin.  Ce projet va nous offrir un retour d’expérience sur la façon dont les panneaux affectent la vie de l’agriculteur, quel est l’impact sur les rendements agricoles et quelle est la perception de la communauté. Nous pensons que dans une région assez sèche comme la Sicile, il y a une forte possibilité pour que les rendements puissent augmenter, en prodiguant de l’ombre et en évitant ainsi le “coup de soleil” de l’après-midi qui a tendance à dessécher l’herbe.  Sur un petit pourcentage (2-5%) de la surface, seront plantées des herbes aromatiques dans un premier temps, et nous procéderons ensuite à d’autres essais.  Sur la périphérie du terrain sont plantées des haies d’oliviers et d’amandiers qui procurent un revenu supplémentaire, ainsi qu'un écran à la centrale photovoltaïque de sorte qu'elle ne soit pas visible de la route. »
Le 29 avril, ENGIE Green et le Syndicat Mixte Lozérien de l'A75 ont inauguré le parc solaire photovoltaïque de La Tieule (48). Cet investissement de 13 millions d'euros est la plus grande centrale solaire au sol du département, avec 35 000 panneaux photovoltaïques sur 18 hectares, mais surtout le site entend promouvoir de nouvelles activités, en lien avec les entreprises agricoles du territoire, comme des ruches, des troupeaux de brebis et le développement de 900 mètres linéaires de haies aromatiques et de plantes mellifères.
« Avec le parc de La Tieule, nous avons voulu faire du co-usage avec des activités agricoles, dit William Arkwright, directeur général d'Engie Green. Mais il y a plusieurs façons d'intégrer le monde agricole et les centrales solaires, dans le respect du travail de chacun. Un véritable agrivoltaïsme peut se faire sur de plus grandes surfaces, où les panneaux photovoltaïques ont moins d'emprises sur le sol. On critique souvent l'emprise de nos installations sur le foncier agricole, mais nous avons besoin de 2000 km2 seulement par an, dédiés au solaire ou à l'éolien pour atteindre les objectifs fixés par la politique publique énergétique de l'État. »

Les bénéfices indirects des panneaux solaires sur l’agriculture

Indépendamment de la technologie PV utilisée, l'électricité produite par une centrale agrivoltaïque est d'autant plus précieuse qu'elle est autoconsommée, car elle permet de réduire directement les achats externes d'électricité. A un prix commercial de l'électricité de 14 à 16 cents par kWh pour l’agrivoltaïque et un coût d'électricité nivelé d'environ 9 ct/kWh, par exemple, des économies de 5 à 7 cents par kWh peuvent être réalisées. 

Malgré la diversification des solutions techniques, certaines cultures se prêtent mieux  à l'agrivoltaïque que d’autres. D’après l’institut Fraunhofer, la viticulture, les vergers et les cultures maraîchères offrent probablement le plus grand potentiel d'effets de synergie. Il semble néanmoins qu’il n'existe pas à ce jour de consensus général sur un système normalisé permettant de comparer expérimentalement la productivité des cultures dans des conditions de terrain.

Malgré de nettes avancées dans l’amélioration de la productivité des panneaux, l’argument majeur en faveur du développement de l’agri PV met surtout en avant les avantages indirects des modules. Des améliorations certaines ont été relevés sur la protection kinétique des plantations, car les panneaux servent de protection directe contre les influences environnementales (pluie, grêle, vent). En plus de réduire l’utilisation de films protecteurs des cultures, les panneaux photovoltaïques peuvent aussi réduire la saturation photosynthétique des plantes. Suivant leur format,  les systèmes agrivoltaïques promettent enfin une réduction non négligeable des besoins d’irrigation des cultures en freinant l’évaporation de l’eau en terre, mais aussi en permettant la collecte des eaux de pluie. 
Il est intéressant de noter que les bénéfices s’étendent dans le sens inverse : en effet, il a été démontré que le rendement des panneaux PV  pouvait être amélioré par la présence de végétation au sol, car ces dernières limitent l’effet d’ilot de chaleur en refroidissant les panneaux PV par convection. Cette approche consistant à penser un agrivoltaïsme basé sur la préexistence de champs solaires, qui privilégie la production solaire tout en faisant pousser de la végétation basse est un modèle privilégié chez ENGIE Noram, qui met en avant la biodiversité en plantant des fleurs pour les pollinisateurs dans les parcs photovoltaïques.

Des défis de taille pour un déploiement à échelle 

Malgré les atouts indéniables des technologies agrivoltaïques le déploiement massif de la filière tarde en raison de nombreuse difficultés qui restent encore à dépasser. 
Incertitude sur le modèle d’exploitation :  la complexité d'un business model agrivoltaïque dépasse souvent celle d'un projet PV au sol. Plusieurs parties prenantes  sont généralement impliquées dans la mise en œuvre des projets : le fournisseur du terrain, le gestionnaire agricole, le développeur du système PV (propriétaire ou investisseur) et son exploitant. Les experts de l’institut Fraunhofer avancent qu’une concentration des fonctions de l’agri PV au sein d’une seule entité  permettraient plus d’agilité et d’adaptation. 

La rémunération de la production électrique : au-delà des perspectives d’auto-consommation, l’agrivoltaïque pourrait fortement bénéficier d’un accès facilité des producteurs au réseau. L’institut Fraunhofer souligne : « la rémunération de l'EEG n'est actuellement possible que lorsque la centrale agrivoltaïque est construite sur des bandes le long d'autoroutes ou de voies ferrées. Pour les centrales dont la puissance nominale est supérieure à 750 kWc, la participation à un appel d'offres est également obligatoire et l'autoconsommation n'est pas autorisée. »

 Vers un modèle économique agricole plus soutenable ?  

L’agrivoltaïsme permet de conjuguer les revenus tirés de l’exploitation agricole et les revenus tirés de la production électrique. Tandis que les rendements agricoles sont fortement corrélés aux conditions climatiques, à contrario, les volumes de production d’électricité solaire sont généralement plus stables.  
Comme le mentionne le Rapport Flash du Sénat : «Les revenus agricoles dépendent d’un grand nombre de variables allant du prix des matières premières agricoles aux aléas climatiques. De ce fait, l’agrivoltaïsme peut permettre aux agriculteurs de disposer d’un complément de revenu qui leur permet de sécuriser leur modèle économique. (…) L’agrivoltaïsme peut contribuer à aider les agriculteurs à diversifier leur production, à modifier les rotations culturales, ce qui peut leur permettre de réduire leurs besoins en produits phytosanitaires et de ce fait avoir un effet positif sur la biodiversité. Il peut aussi accompagner un processus d’amélioration de la qualité des sols. »
Dans ce sens, l’agrivoltaïque parait une évolution évidente des  méthodes agricoles vers des modèles harmonieux et soutenables : «Les fermiers, depuis 12000 ans, travaillent comme des récolteurs de photons qu’ils transforment en produits agricoles qu’ils vendent. Dans cette perspective, il semble logique de vendre l’énergie produite par les panneaux en plus des produits agricoles si les panneaux ne gênent pas le rendement agricole et ne posent pas de problèmes ergonomiques. »  conclut James Macdonald.

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