Il existe des solutions pour
une production agricole plus respectueuse de l'environnement, à commencer par les énergies
renouvelables. Ces dernières présentent des avantages à la fois pour
l’environnement et pour les agriculteurs eux-mêmes. Non seulement elles aident
à réduire l’utilisation des combustibles fossiles et donc les émissions de gaz
à effet de serre, mais elles offrent également aux agriculteurs l’occasion de
diversifier leurs revenus sur le long terme. Ils ont ainsi la possibilité de
vendre l'excédent d'électricité qu’ils ont produit grâce au solaire, à l’éolien
ou à la biomasse.
En France, l’agriculture représente 20% de la
production nationale d’énergie renouvelable et génère près de 1,4 milliard
d’euros, selon un rapport de l’ADEME. L’agence prévoit par
ailleurs une production trois fois plus importante d’ici 2050.
Alors que les agriculteurs se trouvent
confrontés à un avenir teinté d'incertitudes dues au dérèglement climatique et
aux perturbations qu’il implique, il devient crucial de mettre au point des
solutions innovantes pour multiplier les moyens de produire davantage d'énergie
verte.
Voici un aperçu de différentes méthodes utilisées pour déployer les
énergies renouvelables dans le secteur et des nouvelles voies qui s'ouvrent
vers une agriculture plus verte :

Viser
haut avec l'éolien, le solaire et la biomasse
Le lien vertueux entre les énergies renouvelables
et l'agriculture n’est plus à démontrer, en témoigne l’exploitation actuelle de
sources d'énergie traditionnelles telles que l'éolien, le solaire et la
biomasse.
Le Danemark possède la plus forte proportion d'énergie éolienne au monde
et ses agriculteurs en font bon usage.
- La start-up danoise Nordic Harvest
s'est associée à l’entreprise taïwanaise YesHealth Group, spécialisée dans
l’agriculture verticale, pour créer, en périphérie de Copenhague, une ferme verticale qui devrait produire près
de 1000 tonnes de légumes verts par an.
- D’une superficie de presque 7000
mètres carrés, l’exploitation dans son ensemble fonctionne grâce à l'énergie
éolienne. Produite par les vastes parcs éoliens du pays, elle alimente son
système hydroponique et ses quelque 20 000 lumières LED. La ferme est ainsi
100% neutre en carbone.
Une étude a
démontré qu’installer des panneaux solaires sur moins de 1% des terres
agricoles mondiales suffirait à produire assez d'énergie pour répondre à la
demande mondiale en électricité. Preuve que l’« agrivoltaïque » ou «
agrivoltaïsme », méthode consistant à faire coexister la production
d’électricité photovoltaïque et la production agricole dans une même zone, en
élevant les panneaux solaires au-dessus du sol cultivé, possède un réel
potentiel.
- Grâce à ce procédé les cultures
peuvent pousser et les animaux brouter l’herbe sans gêne. Les panneaux
fournissent de l'énergie aux agriculteurs tout en leur permettant d'exploiter
la terre. Ils sont également utiles pour bloquer le vent et limiter l'érosion
des sols.
- L'agrivoltaïque est en plein essor aux
États-Unis, où le ministère de l'Énergie a prévu de consacrer 7 millions de dollars
à des projets qui visent à développer davantage cette méthode. Dans le
Massachusetts, les agriculteurs qui récoltent des canneberges, le produit agricole
numéro un de l’État, se tournent de plus en plus vers l’agrivoltaïque pour
s’assurer un revenu supplémentaire.
Le lisier et autres sous-produits créent
certes de nombreux défis pour le secteur, mais impossible de dénier leur
immense potentiel énergétique. C'est pourquoi de nombreux grands établissements
américains ont investi dans des technologies de digestion anaérobie (méthanisation),
qui décomposent la matière organique pour générer du biogaz.
- Smithfield Foods, l'un des plus
grands transformateurs mondiaux de viande de porc, mise sur des systèmes de
méthanisation à grande échelle depuis au moins 2014.
- Perdue Farms, une entreprise agroalimentaire
spécialisée dans la production et la transformation de volaille notamment,
s'est associée à Bioenergy DevCo pour construire, entre autres, un digesteur.
« Selon de récentes estimations,
la transformation des déchets agricoles et des excès de matières organiques de
l'industrie avicole en gaz naturel renouvelable permettrait d'éviter
l’utilisation de plus de 31 milliards de litres de diesel et de générer 70 000
nouveaux emplois », affirme Shawn Kreloff, PDG de Bioenergy DevCo.
Accroître
la résilience avec les solutions "offgrids"
En Afrique subsaharienne, les installations
d'énergie renouvelable décentralisées sont essentielles pour accroître la
résilience des agriculteurs au changement climatique, mais le coût de ces
structures peut parfois représenter un obstacle pour les petits exploitants.
C'est pourquoi certaines start-ups africaines œuvrent pour offrir des solutions
d’énergies renouvelables plus accessibles.
- Au Kenya, SunCulture propose un
système d’irrigation goutte à goutte fonctionnant à l’énergie solaire, ainsi
que des solutions d’énergie propre adaptées aux petits agriculteurs, avec un
mode de paiement « Pay as you go », aidant ainsi les exploitations à
acquérir ces installations plus facilement. « Il est dans notre intérêt en tant
qu'entreprise que nos systèmes fonctionnent de manière à ce qu’en retour, nos
clients puissent percevoir les revenus nécessaires pour nous rembourser », note
Mikayla Czajkowski, chef du personnel de SunCulture.
- En Tanzanie, JUMEME développe dans des zones rurales et en
collaboration avec des communautés à faibles revenus, des mini-grids qu’elle
intègre dans les économies locales. Avec son projet pilote KeyMaker Model, le
mini-réseau créé par l’entreprise a contribué au soutien de l'industrie de la
pêche locale, en permettant aux pêcheurs de traiter et congeler leurs prises
sur place. Ces derniers ont ainsi pu avoir recours à de l’électricité à
laquelle ils n'avaient pas accès auparavant. JUMEME dispose de 12 installations
de ce type en activité dans la région du lac Victoria et prévoit de finaliser la
création de 11 autres mini panneaux solaires hybrides dans le nord-ouest de la
Tanzanie.
Un
engrais plus propre avec l'ammoniac vert
L’agriculture a très souvent recours à
l’ammoniac (NH3) pour fabriquer des engrais. Mais la production de ce gaz à
l’odeur âcre est la troisième plus grande émettrice de dioxyde de carbone au
monde avec un demi-milliard de tonnes de CO₂ rejeté dans l’air chaque année. On
observe aujourd’hui l’émergence d’un nouveau procédé renouvelable et sans
carbone : l'ammoniac vert.
- L'ammoniac est traditionnellement
produit en utilisant du gaz naturel comme carburant, alors que l'ammoniac vert
peut être fabriqué via des sources d'énergie renouvelables telles que le vent,
l'énergie solaire ou les turbines hydroélectriques — un processus de production
donc totalement décarboné.
- Le potentiel de l'ammoniac vert
est vaste, car en plus de servir d’engrais, il peut également être utilisé
comme vecteur d'hydrogène, comme carburant ou pour stocker de l'énergie.
- Aux États-Unis, l'Université du Minnesota,
en collaboration avec le ministère de l'Énergie, supervise un vaste réseau de
projets de recherche sur l'ammoniac vert. L'un d’entre eux consiste à associer
l’ammoniac vert à un système éolien intégré (ou « distributed wind »), c’est-à-dire que les
turbines sont installées dans ou à proximité de la zone d'utilisation, telles
que des usines ou des fermes) Les éoliennes produiraient ainsi de l'électricité
qui serait déployée pour faire fonctionner un système de production d'ammoniac
à partir d'eau et d'air. Les agriculteurs seraient donc en mesure de fabriquer
leurs propres engrais et carburant tout en produisant de l'électricité renouvelable
qu’ils pourraient utiliser sur place.
- L'entreprise chimique norvégienne Yara a
récemment annoncé un « projet historique d'ammoniac vert à grande échelle » qui
prévoit une production de 500 000 tonnes d'ammoniac vert à destination des
secteurs maritime, agricole et industriel.
- « Nous voyons là une réelle
opportunité de contribuer au développement d’une agriculture durable, tout en
créant de nouvelles activités pour les agriculteurs et pour Yara. À titre
d'exemple, nous pouvons traiter directement 70% des émissions des cultures de
maïs rien qu’en mettant en place des mesures pour optimiser la nutrition des
cultures et la santé des sols », affirme Terje Knutsen, vice-président exécutif
Farming Solutions chez Yara.
ENGIE
Oeil d’experts
Camel
Makhloufi and Nouaamane Kezibri, ingénieurs-chercheurs au Lab Hydrogène ENGIE
Lab CRIGEN considèrent que l’idée de coupler énergie renouvelable et ammoniac
vert a du potentiel : « Cela suscite beaucoup d’intérêt
aussi bien dans la communauté scientifique que chez les grands acteurs
industriels dans le monde des fertilisants, de la mobilité lourde et de
l'énergie. Cet ammoniac vert est une solution clé pour la décarbonisation du
secteur agricole qui représente plus de 1% des émissions globales. L’ammoniac
renouvelable peut servir à réduire les émissions indirectes liées à la
production des fertilisants azotés, en remplaçant la matière première fossile
par une source électrique renouvelable. En plus, l’ammoniac peut également
contribuer à la réduction des émissions directes qui sont liées à l’activité
agricole ; grâce à son utilisation comme carburant alternatif pour les engins
agricoles par exemple. »