Le dessalement d'eau de mer représente un énorme espoir.
Sans accès à une eau saine, il ne peut y avoir de progrès en matière de santé. L’eau douce est aussi indispensable pour la production agricole. Cette ressource répond à un besoin premier, essentiel, qui s’il n’est pas satisfait pourrait générer des conflits entre les Etats et engendrer des crises migratoires majeures. On le voit déjà aujourd'hui, avec l’augmentation du stress hydrique dans plusieurs régions du monde. C’est pourquoi le dessalement d'eau de mer représente un énorme espoir. Nous nous y consacrons à grande échelle, avec la volonté d’améliorer toujours plus notre excellence opérationnelle.
Par le passé, si je schématise à l'extrême, on dessalait l'eau de mer grâce à la distillation thermique. Depuis une vingtaine d’années, peut-être même un peu plus, on s'oriente vers des technologies moins consommatrices d'énergie, comme l’osmose inverse, qui s’effectue à partir d'électricité renouvelable - solaire ou éolienne. C’est une technologie de filtration qui fonctionne en forçant l'eau, sous pression, à travers les minuscules pores d'une membrane semi-perméable. Cette membrane retient les ions de l’eau de mer, autrement dit les minéraux, et ne laisse passer que les molécules d’eau.
ENGIE est leader sur ce sujet. C'est notamment une activité essentielle du Groupe au Moyen Orient. Dans le Golfe persique, nous opérons neuf sites et produisons presque 6 millions de mètres cubes d'eau potable chaque jour. C’est considérable. On estime à 10 millions le nombre de personnes qui sont aujourd'hui alimentés par cette eau. L'idée, c'est d'augmenter cette capacité et de passer à 9 millions de mètres cubes par jour. Par ailleurs, cette activité a vocation à s'élargir géographiquement.
Avec Marie-Laure Thielens, Desalination Research Program Manager, nous travaillons à une plateforme pilote qui va nous permettre de réaliser des essais à petite échelle pour optimiser notre process. Elle est construite à Sharjah, au nord de Dubaï, et nous l'installerons ensuite sur un site industriel au sud de Dubaï.
En fait, dans le dessalement, il y a trois étapes : pré-traitement de l’eau, osmose inverse et post-traitement. Les unités d'osmose inverse (RO) sont les premières briques de notre plateforme de test. Nous sommes en train de construire le bloc de pré-traitement de l'eau, puis nous nous consacrerons au bloc de post-traitement. Ainsi, nous reconstituerons petit à petit l’intégralité d’une unité de dessalement à petite échelle.
L’idée est d’y expérimenter de nouvelles technologies, équipements et produits -comme des membranes plus performantes, et moins coûteuses, qui pourraient être changées moins souvent, voire qui pourraient être fabriquées par impression 3D. Nous allons aussi tester de nouvelles configurations, plus économes en énergie, par exemple. L’objectif de ce pilote est d’en tirer des données tangibles et d’élaborer des recommandations à nos opérateurs, qui seront ensuite appliquées à grande échelle sur les sites industriels du Groupe.
Nous montrerons comment se déroule l’osmose inverse dans notre station pilote en nous appuyant sur une animation 3D, une maquette d’une installation de dessalement et une membrane d’osmose inverse. Ce sera l’occasion d’expliquer les enjeux techniques, financiers et humains du dessalement.
En dehors de l’aspect pédagogique auprès du grand public, nous souhaitons nous faire connaître, et encore mieux nous connecter au monde des startups. Celles-ci pourraient par exemple nous aider à réduire encore plus l’impact environnemental de nos installations, ou nous aider à produire nous mêmes les produits chimiques consommables nécessaires à l'opération de dessalement. Quand vous dessalez de l'eau de mer, vous obtenez d’une part de l'eau douce, et d'autre part un résidu un peu plus concentré en sel, une saumure, en anglais « brine ». L'un de nos enjeux est de parvenir à valoriser ce déchet.
Je pense à la machine à vapeur, qui marque le début de la révolution industrielle mais en même temps représente l'origine de tous nos problèmes, parce que qui dit révolution industrielle dit émissions de CO2, et donc réchauffement climatique. Il y a aussi beaucoup de belles histoires scientifiques et humaines, comme celle de la découverte de la pile électrique par le physicien italien Volta. Pour y parvenir, il avait empilé différentes couches de métaux et de feutre imbibé d'eau salée. Il fallait y penser ! Mais il y a cru, et il a eu raison. Jules Verne aussi a été visionnaire, qui prédisait dans L’Ile mystérieuse, dès 1875, que l'hydrogène et l'oxygène qui constituent l’eau nous fourniraient un jour de l’électricité. C’était il y a 150 ans. Il fallait être fou pour le croire. Je me dis que si cela se passait aujourd’hui, on leur dirait « mais c'est quoi ton business model ? » ou « arrête, ça ne sert à rien, il n'y a pas de marché », comme on le fait aujourd’hui avec les start-ups. Et ils seraient un peu surpris !
A très court terme, c'est de voir notre installation pilote mise en place et opérée sur un site industriel, et qu'elle délivre des résultats utiles pour les opérations. Ce devrait être en juin. Nous y croyons tellement que nous sommes déjà en train de construire sa petite sœur !
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