Une cavité saline souterraine de 600 000 mètres cubes (l’équivalent de trois arcs de triomphe !)
François de Rugy en juin 2019, puis Barbara Pompili en février 2021, les ministres de l’Écologie se succèdent, mais chacun réaffirme la nécessité de développer l’éolien, notamment en mer. C’est que cette méthode de production d’électricité renouvelable est une pièce maîtresse pour atteindre les objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cependant, elle se doit de surmonter les obstacles auxquels sont confrontés tous les autres types d’énergies renouvelables : la flexibilité, c’est-à-dire l’équilibre entre production et demande, la sécurité d’approvisionnement. Le stockage est un moyen de relever ces défis. Mais où stocker l'énergie renouvelable ? Stocker de l’électricité requiert de l’espace, un enjeu majeur du fait de l’accroissement de la population. Par exemple, une cavité saline souterraine de 600 000 mètres cubes (l’équivalent de trois arcs de triomphe !) remplie d’air comprimé ou d’hydrogène dédié à la consommation quotidienne de 265 000 foyers (13 gigawattheures) a une emprise au sol de 2,25 hectares. Avec des batteries qui équiperaient chacune des habitations, la surface occupée serait au total de 9,92 hectares. Même si de nouvelles générations de batteries réduiront cet impact, on doit chercher à diminuer cette emprise terrestre.
Une telle solution diminuerait en outre le coût des raccordements de ces parcs offshore aux réseaux terrestres et améliorerait considérablement la flexibilité de l’offre électrique. De plus un stockage local de l’énergie serait idéal pour de futurs parcs éoliens flottants, indépendants du réseau et en eaux profondes, conçus pour répondre aux besoins du transport ou d’une plateforme polyvalente éloignée de côtes.
La première idée qui vient à l’esprit serait d’intégrer le stockage d’énergie à l’intérieur ou le long des fondations qui arriment les éoliennes au fond en ajoutant des réservoirs. L’usage des infrastructures serait ainsi optimisé, mais ce n’est pas si simple… Il existe de nombreux obstacles :
Au final, les concepteurs d’éoliennes ainsi que les organismes de certification hésitent à s’engager dans la voie de ce type de stockage. Ces contraintes seraient encore plus importantes pour les éoliennes flottantes pour qui les fondations s’apparentent plus à des barges de flottaison. Dans ce cas, les variations importantes de la masse des fondations auraient un impact encore plus important sur le comportement global.
De plus, imaginer de grands vides dans les fondations pour contenir d’importants volumes d’eau de mer ou d’air pressurisé entraîne des exigences supplémentaires, par exemple en matière d’épaisseur des parois et de protection contre la corrosion. Enfin, dernier écueil, le développement des éoliennes flottantes est encore loin d’être mature.
Certains projets tentent de relever ces défis, comme le prototype FLASC qui consiste en un système de stockage intégré dans un dispositif flottant équipé d’une éolienne, de panneaux solaires ou de tout autre générateur d’électricité. D’autres choisissent de s’en affranchir. Ainsi en serait-il d’un stockage mis en œuvre à distance des éoliennes, par le biais de structures supplémentaires dédiées, installées au fond des mers. Cette piste a une plus grande probabilité de trouver son chemin vers l’industrie.
Parmi les diverses technologies de stockage aujourd’hui à l’étude, deux sont déjà à un stade avancé : le stockage par air comprimé et la station de transfert d’énergie par pompage. Bien adaptées aux conditions maritimes, elles autorisent le stockage de grandes quantités d’énergie.
Le fonctionnement se décompose en trois étapes. D’abord, un tube est rempli d’air puis fermé. Ensuite, de l’eau est injectée grâce à une pompe hydraulique : l’eau, en remplissant le tube, réduit le volume de l’air et le comprime. Enfin, lorsque la pression de l’air est suffisante, l’air comprimé est injecté dans les réservoirs sous-marins afin d’y être stocké. |
Et l’électricité ? Quand elle est nécessaire, les tubes sont remplis d’eau puis reçoivent de l’air provenant des réservoirs. L’eau est alors chassée vers une turbine qu’elle actionne. La production d’électricité s’arrête lorsque les réservoirs d’air sont vides. L’eau utilisée dans ce stockage aide à limiter l’échauffement de l’air lors de la compression et son refroidissement lors de la détente. Avec cette alliée thermique, le rendement électrique atteint 70 %, contre 40 % environ pour d’autres systèmes similaires. Notons que ce type de stockage peut aussi fonctionner pour des champs de panneaux solaires installés à proximité du littoral.
Une station de transfert d’énergie par pompage, adaptée aux conditions marines. Dans le projet StEnSea, le bassin supérieur est la mer et le bassin inférieur des boules en béton immergées de 30 mètres de diamètre contenant une pompe-turbine réversible (voir la figure ci-contre). |
La puissance de l’installation dépend de la hauteur de la colonne d’eau, tandis que la capacité de stockage est proportionnelle au nombre de boules. Chacune de ces dernières peut contenir 20 mégawattheures d’électricité, soit la consommation quotidienne de 400 foyers français. Lors du stockage, l’eau contenue dans une boule est rejetée par pompage, alors que lors de la production d’électricité, la boule est remplie d’eau, produisant de l’électricité sur son passage au travers de la turbine.
Ces deux technologies ont d’ores et déjà fait la preuve de leur efficacité. Verra-t-on un jour proliférer les réservoirs de béton au fond des océans ?
RÉFÉRENCES
Lionel Nadau - Energy storage expert - ENGIE Lab Crigen
Koen De Bauw - Chief Technologist - ENGIE Laborelec
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