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La vision carbone adoptée en priorité peut conduire à négliger d'autres enjeux environnementaux, notamment ceux liés à l'ensemble de la chaîne de valeur associée (par exemple, les liens avec la production d'hydrogène et la production d'énergie nécessaire)
Bien que le fer soit abondant dans la croûte terrestre et que l’acier puisse être recyclé indéfiniment, il est nécessaire d’extraire davantage de fer pour répondre aux besoins de la transition énergétique.
Dans la croûte terrestre, le fer se trouve sous forme d’oxyde de fer, et non sous forme de fer pur. Aujourd’hui, pour réduire cet oxyde en fer, on le met en contact avec du charbon ou du gaz naturel. C’est cette étape qui génère le plus de CO₂. Pour atteindre les objectifs climatiques, l’industrie sidérurgique doit trouver une méthode de réduction du fer durable, évolutive et sans recours aux combustibles fossiles, tout en évitant de créer de nouvelles contraintes sur les ressources. C’est là tout le défi — et l’opportunité — de l’acier sans énergie fossile.
Une alternative au charbon ou au gaz naturel pourrait être le charbon de bois. Cependant, celui-ci est insuffisant comme matière première, car la photosynthèse est trop lente pour répondre aux besoins de la sidérurgie. De plus, la capture et le stockage du CO₂ ne peuvent pas être développés à plus grande échelle pour répondre aux besoins de production, d’où les initiatives actuelles visant à trouver une solution de rupture.
L’objectif est d’identifier un principe physique pouvant être mis à l’échelle sans créer de problèmes de disponibilité des ressources et sans émissions de gaz à effet de serre.
Réduction directe du fer par H2 (H2 DRI)
La réduction directe du fer par H2 est un processus par lequel l'hydrogène (H2) est utilisé pour réduire le minerai de fer en fer métallique. Cette méthode est une alternative aux procédés de réduction traditionnels à base de carbone, qui utilisent généralement du charbon ou du gaz naturel.
L'hydrogène réagit avec le minerai de fer (principalement les oxydes de fer) pour produire du fer métallique et de la vapeur d'eau.
Des projets pilotes de réduction directe du fer par hydrogène (H2DRI) et de réduction par fusion au plasma d’hydrogène (HPSR) ont été lancés. Ces technologies utilisent respectivement l’hydrogène ou l’hydrogène à l’état de plasma pour transformer le minerai de fer en fer métallique.
Ces technologies présentent plusieurs avantages : bénéfices environnementaux, efficacité énergétique, flexibilité. Mais elles posent aussi des défis : forte demande en énergie renouvelable, nécessité de minerai de fer de haute qualité, viabilité économique, contraintes réglementaires et acceptation du marché.
L’électroextraction (Electrowinning)
L’électro-extraction est un procédé électrolytique permettant de récupérer des métaux à partir de leurs minerais dissous dans une solution. Cette technologie pourrait offrir une voie alternative pour produire du fer sans émissions de carbone.
Principe de fonctionnement :
Électrolyse des oxydes fondus: un procédé électrochimique innovant utilisé pour produire des métaux directement à partir de leurs oxydes.
Principe de fonctionnement :
Ces technologies présentent plus ou moins les mêmes avantages : respect de l'environnement, efficacité énergétique, évolutivité et polyvalence.
Les défis incluent les exigences de maintenance, l'intensité énergétique et, plus particulièrement pour l'électroextraction, la nécessité de concentrations élevées de métaux dans la solution et d'éventuelles réactions concurrentes avec d'autres métaux présents dans la solution.
La production d'acier repose traditionnellement sur le charbon, à la fois comme combustible et comme réducteur du fer, ce qui en fait le point chaud environnemental le plus important identifié par l'analyse du cycle de vie. Les solutions d'électrolyse H2-DRI, d'extraction électrolytique et d'électrolyse des oxydes fondus reposent sur les énergies renouvelables, où le carbone, agent réducteur, est entièrement remplacé par l'hydrogène ou l'électricité, ce qui permet de réduire les émissions de CO2 lors de la production d'acier primaire. L'industrie sidérurgique est également connue pour être un important contributeur de polluants atmosphériques, notamment le SO2, les NOx et les particules. La décarbonation de l'industrie sidérurgique pourrait également présenter des avantages en réduisant la pollution atmosphérique.
L'utilisation de l'hydrogène pour la réduction du fer présente des défis sociétaux importants, alors que les débats sur son impact environnemental s'intensifient.
Actuellement, la majorité de l'hydrogène provient de combustibles fossiles, issus du reformage du méthane à la vapeur du gaz naturel ou de la gazéification du charbon. Pour assurer une décarbonation complète de la production d'acier, la production d'hydrogène doit également être décarbonée (c'est-à-dire de l'hydrogène vert), tout comme l'électricité utilisée dans le processus de production, qui doit être issue de sources d'énergie renouvelables.
Une étude estime qu'une capacité d'électrolyseur de 37 à 60 GW est nécessaire pour produire 94 Mt d'acier vert (pour remplacer l'acier produit en Europe par la filière BF/BOF), ce qui correspond à la production d'environ 6,6 Mt d'hydrogène par an. Ce chiffre est à comparer à la stratégie européenne pour l'hydrogène, qui vise à installer 40 GW de capacité d'électrolyseur dans l'UE d'ici 2030. Le déploiement à grande échelle de l'hydrogène vert nécessite inévitablement des quantités considérables d'électricité verte, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur le climat et d'autres impacts environnementaux en raison de la consommation de matériaux sur les infrastructures.
En effet, une augmentation de 50 % de la production d'énergie éolienne et solaire est nécessaire pour répondre à la demande d'hydrogène des secteurs industriel et des transports en Europe d'ici 2050. De plus, la vision carbone adoptée en priorité peut conduire à négliger d'autres enjeux environnementaux, notamment ceux liés à l'ensemble de la chaîne de valeur associée (par exemple, les liens avec la production d'hydrogène et la production d'énergie nécessaire). La transition vers une production d'acier basée sur l'hydrogène vert doit prendre en compte des considérations plus larges : la requalification et la redistribution des travailleurs de la sidérurgie, la concurrence entre les infrastructures d'énergie renouvelable, l'agriculture et la séquestration du CO2, ainsi que les goulots d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement, notamment l'approvisionnement en terres rares pour les panneaux solaires, les électrolyseurs et les batteries.
Par ailleurs, il convient de noter que certaines incertitudes subsistent quant à l'impact de l'hydrogène sur le réchauffement climatique et au risque posé par les fuites potentielles associées à son déploiement à grande échelle. Cela nécessite une compréhension approfondie des impacts climatiques de l'hydrogène à différents taux de fuite pour définir une trajectoire de décarbonation pour des industries telles que la sidérurgie.
Dans leur étude, Cooper et Hawkes ont comparé différentes trajectoires de décarbonation pour diverses industries, dont la sidérurgie au Royaume-Uni, et soulignent le risque d'impacts accrus sur d'autres aspects de l'environnement. Il est essentiel de prendre en compte tous les impacts environnementaux (émissions de GES, pollutions, consommation d'eau, biodiversité, etc.) et l'ensemble de la chaîne de valeur lors de la conception et de la construction d'une production d'acier décarbonée, afin d'identifier les co-bénéfices ou les compromis potentiels et d'assurer la transition vers une industrie sidérurgique plus verte.
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