La crise financière de 2008-2009 a accéléré une
reconfiguration du monde. La réponse monétaire des États - augmenter la
quantité de monnaie en circulation et abaisser les taux d'intérêt - a facilité
l'accès à l'investissement et permis la formation de titans technologiques. Un
"titan" se définit comme un acteur possédant un atout qui lui permet
de dominer son environnement immédiat. Plusieurs entreprises, faisant un
excellent usage de l'IA dans leurs activités, sont apparues ou ont bénéficié de
cette crise : Apple, Amazon, Tesla, Uber, Tencent, Alibaba. Portées par des
capitalisations boursières importantes (1), ces entreprises investissent en
permanence dans l'innovation, bouleversant leurs domaines d'activité
respectifs. Le rythme de l'innovation est stupéfiant dans ce nouveau monde,
dépassant même la capacité de l'homme à l'assimiler au rythme de son expansion.
L'essor des robots et de l'intelligence artificielle restructure l'organisation
du monde.
Pour pouvoir naviguer dans ce monde volatile, une nouvelle
cartographie mentale est nécessaire. Charles-Edouard Bouée, propose une carte
de ce "nouveau monde" :
Confucius et les automates : L'avenir de l'homme dans la civilisation des machines, Grasset, 2014
D'autres catégories de joueurs que les titans évoluent sur cette carte : le sanctuaire des sages (sud-ouest), le rocher des ultra-riches etc.
Les services publics ont un rôle holistique, la tâche de fournir une énergie abondante, décarbonée et décentralisée à tous les acteurs. Ils ont la capacité de devenir des Titans, même si pour l'instant ils ne le sont pas. Pour devenir des Titans, les services publics doivent pouvoir donner à tout le monde (entreprises et ménages) la "télécommande" de l'énergie, à savoir la capacité de consommer de l'énergie adaptée à un besoin spécifique. L'IA est fondamentale pour atteindre cet objectif. Les nouvelles technologies peuvent être très énergivores. Dans le même temps, des technologies telles que le Big Data, l'Internet des objets, l'IA ou l'analyse de données permettent aux services publics d'optimiser leur production d'énergie et d'aller vers l'objectif de devenir des titans producteurs d'énergie. C'est en utilisant les nouvelles applications de l'IA, sans oublier leur raison d'être première (fournir l'ensemble de la société en énergie) qu'un service public peut acquérir un avantage concurrentiel sur ses concurrents dans un monde d'innovations et d'accès aux liquidités pour les investisseurs.
Il existe une compétition importante entre les États-Unis et la Chine, mais cette compétition ne se réduit pas à ces deux acteurs : l'Europe est en retard mais pas hors course. Les chercheurs américains sont moins bons que les chercheurs européens mais reçoivent des financements quatre fois supérieurs. La puissance des Etats-Unis repose sur son avance technologique, notamment pour la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), ce qui explique leur force et leur implication dans la compétition informatique (à titre d'exemple, les Américains ont placé le cyberespace comme nouvel espace de guerre en 2004). Le cas des Chinois est différent. Ils ont longtemps été en période de rattrapage technologique, mais disposent aujourd'hui de plusieurs titans (Alibaba, Tencent etc...), de grandes capacités d'investissement et d'une population abondante, qui sont autant d'atouts importants dans cette compétition. L'IA a battu les meilleurs joueurs de Go, un jeu dominé par les chinois et jugé auparavant trop complexe pour les machines. La domination historique de certains États dans certains secteurs peut être renversée si la technologie permettant ce renversement obtient les financements nécessaires. Le futur nous permettra de voir comment les Européens se positionnent dans cette course à l'IA.
L'IA n'existe pas en tant que telle, l'intelligence reste humaine. L'IA signifie juste des modèles mathématiques plus performants qu'avant. Il n'y a pas une technologie qui dépassera l'IA, mais plutôt de nouvelles technologies qui entreront en symbiose avec elle. Par exemple, l'informatique quantique sera une révolution majeure, mais nécessitera d'utiliser l'IA pour gérer le saut quantique (impossible pour les humains seuls). D'autres technologies comme l'internet des objets ou la 6G se superposeront à cet édifice, mais sans jamais le remplacer.
Actuellement, aucun. Une technologie n'est pas dangereuse en tant que telle, il y a toujours des applications bénéfiques ou mortelles : arme bactériologique, arme atomique etc.). Jusqu'à présent, même pendant la guerre froide, la plupart de ces technologies n'ont pas été utilisées pour recréer une nouvelle guerre mondiale. Très probablement, les barrières à l'IA ne seront mises en place que s'il y a des accidents majeurs dus à l'IA.
Charles-Edouard Bouée est l’auteur de nombreux ouvrages y compris :
• L’ère des nouveaux Titans : Le capitalisme en apesanteur (Grasset, 2020)
• La chute de l'empire humain : Mémoires d'un robot (Grasset, 2017)
• Confucius et les automates : L’avenir de l’homme dans la civilisation des machines (Grasset, 2014)
(1) A titre d'exemple, Tesla, dirigée par le charismatique Elon Musk, a atteint une capitalisation boursière de 815 milliards de dollars (686,11 milliards d'euros) en janvier 2021, avec 499 550 voitures livrées en 2020. Dans le même temps, Volkswagen avec 9,305. milliards de voitures livrées avait une capitalisation boursière de 147 milliards de dollars (123,75 milliards d'euros).
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