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Comment les élus locaux s’emparent de la transition énergétique dans les territoires ?
Podcasts 22/09/2023

Comment les élus locaux s’emparent de la transition énergétique dans les territoires ?

Dialogue entre Erik Orsenna et Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée et Présidente de Régions de France. A retrouver dans la série de podcats sur "L'énergie du Futur" réalisée avec le magazine Challenges et Sciences et Avenir. 

La région est le bon échelon pour la question énergétique, pour développer des politiques sur les énergies renouvelables en conciliant l’acceptabilité par l’explication, par la proximité.

Notre calendrier, pour l’Occitanie, c'est d’être la première région à énergie positive d’Europe. Carole Delga

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Erik Orsenna

Aujourd’hui, j’ai le très grand plaisir de recevoir Carole Delga, Présidente de la région Occitanie, une région que nous aimons, une région de légende tellement impliquée dans l’avenir, et aussi la Présidente des régions de France. 

C'est ce niveau de la région que nous voudrions explorer car le domaine de l’énergie a été longtemps le domaine même du centralisme, du jacobinisme où les décisions étaient prises dans quelques bureaux parisiens. Désormais, il y a la dimension européenne, on l’a vu avec le piège du gaz russe. Et la dimension régionale, bien qu’il n’y ait pas les mêmes potentiels pour les mix énergétiques dans des régions comme la Bretagne et la région Occitanie. 

Carole Delga, pouvez-vous nous expliquer concrètement ce que c'est que le niveau régional dans l’énergie ?

Carole Delga

Je souhaite en effet mettre en avant que la région est le bon échelon pour la question énergétique. Cela permet de développer des politiques sur les énergies renouvelables à la bonne maille pour concilier l’acceptabilité par l’explication, par la proximité, par des process de démocratie participative tout en déployant une politique efficace de production d’énergie renouvelable. On doit vraiment être en binôme avec l’État, parce que certains sujets, notamment sur le nucléaire ou sur la négociation avec l’Europe, doivent bien sûr être traités au niveau étatique. 

Nous devons toutefois garder une capacité d’action très forte, une capacité de co-élaboration sur la question des normes et du niveau de production, afin d’apporter une vraie réponse sur la question du réchauffement climatique et la nécessité de développer les énergies renouvelables. 

Donc, c’est l’échelle de la région qui nous a permis d’augmenter les seuils pour l’éolien flottant par exemple. Initialement, le seuil était beaucoup trop faible et toutes les régions françaises littorales se sont unies pour faire un pacte, le pacte de Narbonne.


Erik Orsenna

Le pacte de Narbonne, j’adore ça. On a un peu l’impression que c'est le rugby de l’énergie.

Carole Delga

Exactement. Toutes les régions se sont unies pour donner les arguments pour relever ce seuil. Le gouvernement nous a finalement entendus après plusieurs mois de dialogue musclé. C'est la démonstration qu’en étant unies, les région ont su trouver les bons arguments.  On pourrait multiplier les exemples, sur l’acceptabilité du photovoltaïque ou de la méthanisation.

Cet échelon régional doit vraiment s’inscrire dans une politique européenne de l’énergie. En effet, nous avons éprouvé la dépendance par rapport au gaz russe, et nous avons constaté la faiblesse, au niveau européen, de la définition du prix de l’électricité. Nous devons avoir une ambition européenne beaucoup plus forte sur l’énergie, que ce soit sur les modes de production ou sur la tarification. Nous devons avoir des déclinaisons nationales et régionales des politiques de l’énergie.

Erik Orsenna

C’est très intéressant. Il y a donc trois niveaux pertinents. Il y a le niveau européen, vous l’avez défini parfaitement. Il y a le niveau national, bien sûr, qui reste important comme on l’a vu. Et puis, il y a le niveau régional. 

Ce qui m’intéresse beaucoup, c'est aussi votre autre responsabilité de Présidente des régions ;  en effet on a l’impression que les régions sont unies pour porter chacune un projet différent de celui des autres. On est donc à la fois uni et divers.

Pourriez-vous m’expliquer les questions d’acceptabilité ? Dans ma Bretagne, mes chers Bretons ne veulent rien. Ils ne veulent pas d’éolien, ils ne veulent pas de nucléaire, ils ne veulent pas de charbon, ils ne veulent pas de méthanisation et ils veulent être indépendants. Il y a donc un petit problème.

Carole Delga

Nous devons être conscients que la transition écologique et énergétique exige du courage politique, bien sûr de la conviction, mais elle doit également passer par l’acceptation. J’entends fleurir certaines positions très dogmatiques qui vont presque jusqu’à contester la nécessaire démocratie, prônant sous prétexte d’urgence écologique des méthodes autoritaires. Ça, c'est vraiment un recul et cela ne permettra pas d’atteindre nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Il faut toujours poser l’acceptabilité et le débat démocratique  comme préalable à toute urgence, même climatique, et je suis très consciente de la dégradation forte de la planète.

Erik Orsenna

C’est un point absolument clé parce qu’on assiste dans tous les domaines à des tentations de dire : « La démocratique est incapable d’accepter les valeurs de long terme. Choisissons d’autres méthodes et comme ça, on pourra répondre à l’urgence », en supposant que l’on pourra soi-disant améliorer la lutte contre les gaz à effet de serre au prix d’une diminution de la démocratie.

Carole Delga

Je pense qu’il s’agit d’un piège mortifère pour l’humanité. On doit toujours, toujours être dans l’explication, dans l’adhésion démocratique, dans l’adhésion populaire. Et on ne peut pas être un groupe de sachants, un groupe d’experts ou un groupe d’élus qui prend des décisions en vase clos et qui ne prend pas le temps et ne fait pas l’effort de l’explication. Parce que quand on va sur le terrain, quand on explique les projets, la question de la souveraineté énergétique, les gens comprennent. La première réaction, c'est celle que vous avez citée, Erik, c'est-à-dire « not in my backyard », toujours dans le jardin du voisin. C'est la même problématique pour les déchets, pour la question de l’énergie. Mais quand on explique à nos concitoyens que nous avons une urgence à agir, et ils le voient bien, avec un réchauffement, avec des épisodes pluvieux, orageux de plus en plus violents, avec des sécheresses, y compris des sécheresses hivernales que nous avons connues pour la première fois en France –, ils comprennent que l’on ne peut pas continuer sur ce modèle de développement. 

On doit donc avoir un mix énergétique parce que nous avons besoin du nucléaire pour la souveraineté, mais nous avons besoin de développer en même temps les énergies renouvelables pour décarboner l’énergie et décarboner notre économie. 

Quand on dit énergies renouvelables, il faut des projets. On doit donc expliquer que les méthaniseurs, qui collectent à proximité les déchets non valorisés de nos agriculteurs, permettent une énergie renouvelable. On doit développer fortement l’éolien flottant car il a la capacité de concilier les enjeux de la pêche et le développement des énergies renouvelables. Le photovoltaïque, sur les sol pollués, c'est la bonne solution.

Il faut donc prendre le temps de l’explication, aller sur le territoire. On peut souvent s’appuyer sur les parcs naturels régionaux pour dire à la population : « Prenez votre destin en main. Quel est le mode d’énergie qui vous semble le mieux vous correspondre ? » Est-ce que l’on part sur de l’hydroélectricité ? Est-ce que l’on part sur du photovoltaïque ? Est-ce que l’on part sur de l’éolien, terrestre ou maritime ? C’est le mix de comparaison et c'est cette prise de conscience qui permet l’acceptabilité et enfin une évolution forte de la production des énergies renouvelables. 

On doit traiter la question de l’acceptabilité. Tous les Présidents de région, chacun à sa façon, mettent en œuvre des processus de concertation. Et puis on doit aussi toujours lier la question écologique à la question sociale. On ne peut pas choisir des politiques injustes qui pénalisent continuellement les plus pauvres. Il doit y avoir une acceptation en termes d’adhésion démocratique, il doit aussi y avoir une acceptation en termes de justice sociale.

Erik Orsenna

C’est un point absolument clé. J’en parlais récemment avec Grégory Doucet, le maire de Lyon. On s’aperçoit que ce sont les populations de Lyon qui sont les plus démunies, qui partent le moins en vacances, qui ont le moins d’arbres, qui n’ont aucune piscine jusqu’à un projet récent, etc. Donc, l’acceptabilité, ce n’est pas abstrait, c'est aussi écouter le point de vue des plus fragiles. Autrement, ce n’est pas possible.

Carole Delga

Les gilets jaunes, c'était quoi ? C’était des travailleurs pauvres dont on voulait taxer de façon trop forte l’utilisation de leur voiture alors qu’ils n’avaient pas d’autre choix. Donc, bien sûr je suis pour le véhicule électrique, mais avec des aides permettant aux  plus pauvres d’acheter des véhicules qui ont un coût élevé. Il faut en même temps créer une filière industrielle, sinon on va faire produire ces voitures électriques à l’autre bout de la planète, ce qui sera mauvais en termes d’impact environnemental. Mais on doit aider nos populations. Les maires et les présidents de région savent très bien que les gens les plus pauvres vivent dans des passoires thermiques parce qu’ils n’ont pas les moyens de rénover leur logement.

En Occitanie, nous avons mis en place l’avance des subventions. Aujourd’hui, il existe de nombreuses aides qui ne sont pas connues ou difficiles à obtenir en raison du dédale administratif. Et ensuite, quand on a de petits revenus, on ne peut pas faire l’avance des travaux en attendant la subvention. C’est pourquoi les régions, et la région Occitanie en particulier mettent en place des dispositifs d’avance pour les travaux de rénovation énergétique. Parce que ce sont les personnes en difficulté financière qui ont les factures d’énergie les plus élevées et qui souffrent le plus du froid comme du chaud. 

Pour une question de justice sociale, on doit également mener des politiques sur l’espace public qui permettent une vie de qualité. Nous devons, dans les milieux urbains, revégétaliser de façon forte. Dans les cours d’école, nous devons enlever le bitume et remettre des sols perméables, et nous par exemple comme à Rouen, ouvrir les cours d’école pendant les vacances scolaires pour permettre à ces personnes qui vivent dans des immeubles collectifs d’avoir accès à un lieu végétalisé de rencontre, avec des îlots de fraîcheur qui sont aussi des îlots de lien. Ainsi, on lutte à la fois contre la solitude et contre le réchauffement climatique.

La question écologique doit être liée à une explication, à une acceptabilité, sans position doctrinaire, sans recours à l’autoritarisme. Et on doit aussi l’allier à la question sociale en donnant plus à ceux qui sont les premières victimes du réchauffement climatique. C'est un objectif que j’ai en tant que Présidente de la région Occitanie.

Erik Orsenna

Au fond, il faut dépasser les contradictions. Je travaille beaucoup sur les contradictions en ce moment et ce que vous avez dit est majeur. D’une part, ce n’est pas parce qu’il y a une urgence qu’il faut abandonner la démocratie. D’ailleurs, on s’aperçoit que dans les pays autoritaires, même si on améliore deux ou trois choses, il n’y a jamais eu autant de mines de charbon, de pollutions. Et d’autre part, ce n’est pas parce qu’il y a une sorte d’urgence écologique qu’il faut abandonner la justice.

C'est une remise en cause assez générale et je sens bien une ligne politique extrêmement claire qui est la vôtre et dont vous donnez des exemples jours après jour.

Carole Delga

Nous devons concilier l’écologie avec le social, nous devons concilier l’écologie avec l’économie. En effet, je suis convaincue que l’on doit créer des emplois dignes dans les métiers verts, parce que le travail est émancipateur. Et à travers la conciliation des différents enjeux, on permet aussi la réconciliation. Il faut en politique, au sens premier du terme, dans la gestion de la cité, dans la pensée de la cité, être dans la conciliation et la réconciliation.

Erik Orsenna

Pourriez-vous nous donner vos calendriers maintenant ?

Carole Delga

Notre calendrier, pour l’Occitanie, c'est d’être la première région à énergie positive d’Europe. Nous allons multiplier par deux la production d’énergie renouvelable d’ici 2050. Nous voulons aussi diviser par deux la consommation énergétique avec un gros travail sur la rénovation énergétique. J’ai cité l’exemple de l’avance des subventions. Et puis, nous devons aussi réduire notre consommation énergétique et le premier secteur, c'est celui des transports. C'est pourquoi nous avons besoin d’un investissement massif dans les transports collectifs. Et c'est ainsi que l’ensemble des présidents de régions de France ont demandé un plan Marshall du ferroviaire, à l’échelle européenne et à l’échelle française, pour pouvoir proposer plus de trains, pour pouvoir développer les RER métropolitains, mais aussi les liaisons dans les territoires ruraux et dans les territoires de montagne. 

Au niveau de l’Occitanie, nous croyons beaucoup à la gratuité des transports en commun.

Erik Orsenna

Vous l’avez prouvé.

Carole Delga

C’est ce que va faire le maire de Montpellier, avec la gratuité totale sur la métropole de Montpellier dès le mois de décembre. En Occitanie, nous l’avons prouvé aussi puisque depuis plusieurs années nous avons mis en place le train à 1 euro. En 2022, avec 13 millions de billets à 1 euro ce sont 13 millions de personnes qui ont pris le train à 1 euro. 

Nous avons besoin d’un investissement massif dans les infrastructures de transport collectif et en même temps, d’un travail sur la tarification pour, là aussi, concilier infrastructures et tarification sociale.

Erik Orsenna

C'est un train pour tous vers l’avenir.

Carole Delga

En effet, c'est un train pour tous vers l’avenir, un train qui doit être à l’heure.

Erik Orsenna

Oui, à l’heure, c'est-à-dire aussi à l’heure du futur. 

Merci beaucoup, Madame la double Présidente de ne pas abandonner vos valeurs dans le piège de l’urgence. Merci mille fois.

Carole Delga

Merci à vous, Erik, à bientôt.


Carole Delga est née le 19 août 1971 à Toulouse et a grandi dans un milieu très modeste à Martres-Tolosane, dans le Comminges, au pays des Pyrénées, où elle réside toujours.

Mesurant rapidement l’importance du travail et de son pouvoir d’émancipation, elle s’engage dans des études universitaires à Toulouse et à Montpellier, puis intègre la fonction publique territoriale. De 1994 à 2008, elle est responsable du patrimoine historique et archéologique à Limoges puis directrice d’un syndicat des eaux et d’assainissement. 

Entre 2008 et 2014, elle est élue puis réélue Maire de son village, Martres-Tolosane, ainsi que députée du Comminges en 2012. En 2014, elle est nommée Secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire auprès du Ministre de l’Economie. En 2016, elle devient la première présidente de la nouvelle Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée et est reconduite en 2021, avec un score qui fait d’elle la présidente de région la mieux réélue de France. Moins d’un mois après, elle prend également la tête de Régions de France, dont la mission est de représenter l’ensemble des régions françaises auprès des pouvoirs publics français et des institutions européennes.

 

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