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Les gaz renouvelables pour décarboner le transport maritime
Podcasts 08/06/2023

Les gaz renouvelables pour décarboner le transport maritime

Dans ce nouvel épisode de nos podcasts sur l'avenir de l'énergie, Gabrielle Ménard, cheffe du Lab Liquéfaction au Lab Crigen, un des 4 centres de recherche du Groupe ENGIE, dialogue avec Erik Orsenna et avec Claire Martin, Directeur central RSE du Groupe CMA-CGM sur le rôle des biocarburants dans la transition énergétique, en particulier dans le secteur fortement émetteur du transport maritime.

le biométhane constitue une énergie 100% renouvelable, produite localement et qui contribue au développement d'une économie circulaire. Ça permet de générer des revenus complémentaires dans le monde agricole et de gérer nos déchets.

Gabrielle Ménard - Gabrielle Ménard, Cheffe du Lab Liquéfaction - ENGIE R&I

Ecouter le podcast

Erik Orsenna

Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Gabrielle Ménard, Bonjour, 

Gabrielle Ménard

Bonjour Erik Orsenna. 

Gabrielle Ménard

Je travaille en tant que responsable d'une équipe de R&D chez ENGIE, au Lab Crigen, qui est un des 4 centres de recherche du groupe ENGIE. Au Crigen, on travaille sur les gaz verts, sur les nouvelles utilisations de l'énergie pour la ville, les bâtiments et l'industrie ainsi que sur les technologies émergentes. 

Erik Orsenna

Donc on est au cœur de l'avenir. 

Gabrielle Ménard

On est au cœur de l'avenir, tout à fait.

Mon équipe s'appelle le Lab Liquéfaction. Elle est composée de 25 chercheurs, docteurs et techniciens qui  travaillent sur des sujets assez spécifiques, qu'on appelle les gaz liquéfiés, le GNL et le bio GNL, l'hydrogène liquide et la capture du CO 2. 

Quel est l’intérêt de ces molécules chez ENGIE ? Elles vont nous permettre de décarboner la mobilité lourde et certains usages industriels mais aussi d'apporter des solutions complémentaires pour la sécurité d'approvisionnement en gaz. Ce qu'on appelle mobilité lourde, c'est l'aviation, le transport maritime, le train et la mobilité camion. Dans ce podcast, nous allons plutôt parler de la mobilité maritime. 

Erik Orsenna

Alors, une question qui paraît étrange quand on la pose : comment est produit le gaz naturel ? À priori, c'est du gaz naturel. Il n’y a pas besoin de le produire ?

Gabrielle Ménard :

Aujourd'hui le gaz naturel est une énergie fossile qui, comme le pétrole, est issue de la transformation des matières organiques au fond de l'océan. Après extraction et transformation, ce gaz naturel va être brûlé pour différentes applications comme la production d'électricité, le chauffage, des usages industriels spécifiques et pour alimenter les moteurs à gaz de la mobilité.

D'ores et déjà, ce gaz naturel, quand il est utilisé pour la mobilité, permet de réduire de 20% les émissions de CO 2 par rapport à un carburant fossile classique, comme le diesel ou le fioul domestique.

Erik Orsenna   :

20% c'est déjà pas mal. Mais on peut faire mieux. 

Gabrielle Ménard : 

Oui, 20%, c'est déjà pas mal mais ça ne va pas nous permettre d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris. C'est pour ça que chez ENGIE, on s’intéresse aux gaz renouvelables et en particulier au biogaz. 

Erik Orsenna   :

Alors par définition, le gaz naturel c'est fossile. Comment peut-on fabriquer du gaz renouvelable ? Ça paraît contradictoire. 

Gabrielle Ménard : 

Un des gaz renouvelables auquel ENGIE s’intéresse est le biogaz. Le biogaz en France, c'est déjà une réalité avec 1400 usines partout sur le territoire qui produisent du biogaz. 

Erik Orsenna   :

Attendez, les 1400 usines, c'est parfois une petite organisation de méthanisation, près d'une ferme ou quelque chose comme ça ?

Gabrielle Ménard :

Tout à fait, c'est ce qu'on appelle le biogaz de première génération, ce sont 1400 petites usines qui produisent du biogaz issu de déchets agricoles notamment. Il existe différents types de biogaz. D'ailleurs, pour être totalement exact, il faudrait plutôt parler de biométhane. Tout à l'heure, ce que je n'ai pas précisé, c’est que quand on parle de gaz naturel, en fait, il s’agit d’un mélange de plusieurs composants dont celui qui nous intéresse le plus est le méthane ou CH4 selon sa formule chimique. Mais le gaz naturel est composé aussi d'éthane, propane, butane et d'azote. 

Donc, si on revient au biogaz ou biométhane, ce biogaz dit de première génération c'est aussi un mélange, de biométhane et de CO 2 biogénique. Et donc ce biométhane, ce biogaz de première génération est produit à partir d'un processus qui s'appelle la méthanisation anaérobique.

Erik Orsenna   :

Anaérobique, ça veut dire qu'il y a pas d'oxygène. An, sans, aérobic oxygène. Parce que c'est mon métier quand même, les mots. Je ne connais pas grand-chose à la chimie, mais les mots un peu plus. 

Gabrielle Ménard :

Voilà, la chimie se base sur le Français, tout est bon. Donc pour schématiser, la méthanisation anaérobique, ça ressemble au fonctionnement d'un estomac qui va digérer, grâce à des bactéries, des matières qu'on lui injecte. Dans le jargon, ces matières qu'on injecte, on appelle ça des intrants. Pour le biogaz de première génération, les intrants sont de la biomasse humide, à savoir des résidus alimentaires, des effluents d'élevage, de la culture intermédiaire ou des déchets organiques issus des collectivités ou des cantines, comme des déchets alimentaires. 

Erik Orsenna   :

Ce qu’on met dans les poubelles de tri.  Et on met ça dans cette grande poche, on ajoute des bactéries et ça ressemble exactement à un estomac géant. 

Gabrielle Ménard :

Tout à fait. En France un point à préciser, c'est qu'il n’y a pas de culture dédiée à vocation énergétique, on utilise vraiment des déchets. Notre méthaniseur va digérer ces intrants et produire un mélange qui est à 50% du biométhane à 50% du CO 2. Le CO 2 pour les usages dont on parle, ne nous intéresse pas parce qu’il n'a pas de pouvoir calorifique. Donc on va enlever du CO 2, techniquement on appelle ça épurer. On concentre le biométhane produit pour arriver à 95% de biométhane et ensuite on l'injecte dans le réseau ou on le liquéfie. Cette molécule de biométhane sera du méthane vert qui remplacera le méthane fossile.

Erik Orsenna   :

Qu’on peut réinjecter dans le réseau comme ça ?

Gabrielle Ménard : 

Tout à fait. Donc, le biométhane constitue une énergie 100% renouvelable, produite localement et qui contribue au développement d'une économie circulaire. Ça permet de générer des revenus complémentaires dans le monde agricole et de gérer nos déchets. 

Erik Orsenna   :

Alors ce qui est intéressant, c'est que c'est à la fois circulaire et renouvelable, donc ce n'est pas quelque chose qui va être perdu complètement et d'autre part, c'est complètement décentralisé puisque vous disiez que déjà, et beaucoup plus en Allemagne, il y a des milliers de petites installations qui produisent ce type de gaz

Gabrielle Ménard : 

Tout à fait. Donc le biométhane de première génération, ça existe déjà. Cependant, pour atteindre les objectifs de gaz vert, ENGIE accompagne aussi le développement de la filière biométhane de 2nde génération où là on est à l'état de pilote et on essaie de passer à l'échelle industrielle. 

Erik Orsenna   :

On va étendre le nombre d'installations, étendre leur taille et étendre leur efficacité. Mais on reste encore dans ce qu'on appelle la 2e génération. La première génération, c’est ce qui existe déjà. La 2e, on va l'étendre, mais on reste dans le même système et on va inventer une 3e voie. 

Gabrielle Ménard :

C'est ça. On regarde aussi la 3e voie où on parle de e-méthane produit à partir d'hydrogène vert lui-même produit à partir d'électricité renouvelable et de CO 2. Si on recombine l'hydrogène et le CO 2 chimiquement, on va retrouver notre molécule de CH 4 dont on parlait tout à l'heure et on va appeler ça e-méthane. Le E faisant référence à l'électricité. 

Erik Orsenna   :

Alors est-ce que vous pouvez expliquer à un nul comme moi la différence entre la première et la 2e génération ?

Gabrielle Ménard :

Pour la 2nde génération, on va utiliser ce qu'on appelle de la biomasse sèche. Première génération biomasse humide, 2nde génération biomasse sèche. La biomasse sèche, c'est des restes de paille, des restes de culture forestière. On va prendre cette biomasse et on ne va pas la mettre dans un « estomac » comme tout à l'heure, mais on va la chauffer à très haute température, c'est ce qu'on appelle la pyro gazéification. 

De manière schématique, ça va permettre de casser les molécules de cette biomasse, qui sont très grandes, et de produire un gaz de synthèse. Sans rentrer dans les détails, ensuite, ce gaz de synthèse va subir différentes étapes et va se transformer en biométhane de 2nde génération. Donc pour répondre à la question en une phrase, biométhane de première génération, ça ressemble au fonctionnement d'un estomac, et le biométhane de 2nde génération, ça  ressemble au fonctionnement d'une chaudière, avec des étapes supplémentaires.

Erik Orsenna   :

Très très clair.  Mais pourquoi est-ce qu'on a besoin de faire de la recherche si le biogaz existe déjà ? C'est pour étendre le nombre et la capacité de toutes ces installations ou c'est quelque chose en plus ? 

Gabrielle Ménard :

Pour la première génération, ça existe déjà et les objectifs d’ENGIE en termes de R&D, c'est de diminuer les coûts de production de 30% à l'horizon 2030, donc produire plus et produire moins cher. Pour la 2e génération, on a montré que ça fonctionnait à l'échelle du démonstrateur et l'objectif c'est de passer à l’échelle industrielle avec des plus grosses usines. Sur la 2nde génération, on sera capable de traiter plus d'intrants, donc on produira plus de gaz et donc mécaniquement ça participera aussi à baisser les coûts. 

Pour le e-méthane, on est plus dans une phase amont de la R&D. On est en train de qualifier les performances des différents procédés. 

Erik Orsenna   :

Parce qu'à chaque fois, c'est la différence entre une idée, un démonstrateur et puis l'utilisation industrielle. Il y a 3 étapes qui peuvent prendre des temps différents selon les cas. Alors on a bien compris la différence entre l'estomac et la chaudière.

Et maintenant, pourquoi est-ce qu'on s'intéresse à liquéfaction et au gaz liquéfié ? 

Gabrielle Ménard :

Le principe de la liquéfaction c'est transformer un gaz de son État gazeux à son État liquide. On fait ça parce que ça va permettre de mettre dans le même volume beaucoup plus d'énergie. On augmente ce qu'on appelle la densité énergétique volumique. Quand on liquéfie du gaz naturel c'est à dire qu'on le refroidit à une température de moins 160° et qu'on le transforme sous sa forme liquide, cela devient du GNL ou gaz naturel liquéfié. Dans un même volume le GNL contient 600 fois plus d'énergie que le gaz naturel. J'insiste, car c’est vraiment important et c'est la base du sujet qu'on va développer ensuite. En liquéfiant on va stocker 600 fois plus d'énergie dans le cas du gaz naturel.

Notre site de liquéfaction va refroidir notre gaz jusqu'à moins 160° et le transformer en liquide. Le gaz naturel va devenir du GNL et le biométhane deviendra du biométhane liquéfié ou bio GNL. Ce bio GNL peut être produit à partir de 1ère génération, de 2ème  génération ou même de e-méthane, même si dans le cadre du e-méthane, on parlera plutôt de e-GNL. 

Erik Orsenna   :

L'idée c'est d'avoir : 

- du recyclable donc capacité infinie 

-  qu'on puisse gagner énormément de place . 

Je nous vois nous rapprocher de plus en plus d'un intérêt pour les grands transporteurs. Et qui sont les plus grands transporteurs ?  Il y a évidemment les voitures, les camions et cetera. Mais les gros bateaux, bien sûr.

Gabrielle Ménard :

Alors je pourrais encore parler longtemps des gaz liquéfiés, mais je vais faire court. Les gaz liquéfiés doivent être stockés dans des réservoirs spécifiques qui coûtent cher, donc liquéfier et stocker sous forme liquide, ça a un coût. Mais l'intérêt à nouveau c'est de stocker beaucoup d'énergie dans un même volume. Historiquement le GNL a été imaginé pour transporter de grandes quantités de gaz des pays producteurs de gaz vers les pays importateurs, quand on ne pouvait pas mettre de de tuyau. Aujourd'hui, un second usage qui se développe fortement pour le GNL, c'est l'usage comme carburant surtout pour la mobilité lourde dont la spécificité est de consommer beaucoup d'énergie sur de longues distances. Quand on parle d'un porte container, le navire va transporter une cargaison de plusieurs dizaines de milliers de containers de l'Europe à la Chine. Donc ça va consommer beaucoup d'énergie. On peut aussi penser au poids et à la taille des navires de croisière les plus récents.

Déjà sous forme fossile, le GNL permet de réduire de 20% les émissions de CO 2. Un autre avantage du GNL, c'est d’être un carburant qui émet moins de particules fines que les autres carburants fossiles.

Donc à nouveau 20%, ce n’est pas suffisant pour atteindre les ambitions de la transition et l'objectif c'est que ces navires consomment de plus en plus massivement du bio GNL ou du e-GNL ce qui leur permettra de réduire les émissions de CO 2 d'au moins 75%. 

Erik Orsenna   :

Et c'est là qu’intervient à la coopération entre ENGIE et le grand géant du transport qui s'appelle le groupe CMA CGM. Nous avons la chance de recevoir Claire Martin qui est vice-présidente du groupe, en charge de la responsabilité sociale et environnementale.  Claire, c'est à vous. 

Alors, quels sont les objectifs du groupe CMA CGM en matière de lutte contre le réchauffement climatique ? Et quelle est la place du carburant dans cette stratégie ? 

Claire Martin :

Bonjour à toutes et à tous. CMA CGM, en 2 mots, c'est un acteur majeur du transport multimodal et des chaînes logistiques puisqu’on fait à la fois du transport maritime de containers mais également du transport aérien, du transport routier, donc transport multimodal y compris les logistiques du dernier kilomètre. La transition énergétique est vraiment au cœur de nos engagements RSE et des décisions stratégiques du groupe. 

En termes d'objectif, puisque c'était votre question,  le groupe a d'abord pris l'engagement d'être net 0 émission carbone d'ici à 2050 pour respecter les accords de Paris, et cela sur toutes nos activités. La place des carburants est absolument centrale dans notre trajectoire de décarbonation jusqu‘en 2050, parce que la production et la combustion de carburants représentent 80% de l'empreinte Co2 du groupe. Donc si on veut régler 80% de la problématique des émissions de gaz à effet de serre dans les activités de transport, c'est en travaillant sur les énergies. Evidemment pour atteindre ces objectifs, on a énormément de travail. 

On a différents leviers d'action. Le premier c'est de réduire au maximum notre consommation de carburant. Le 2e levier correspond aux carburants bas carbone.

Erik Orsenna   :

Donc, c'est clair, c'est d'un côté réduire et de l'autre côté, diversifier. Par exemple, je vois qu’il va y avoir 11000 tonnes de biométhane de 2e génération qui seront produites sur le port du Havre. 

Claire Martin :

Tout à fait, c'est ce 2e levier. On parle d’ailleurs d'accélération parce qu’on a déjà commencé ce recours à des carburants alternatifs au fioul et les moins carbonés possibles. Là, on a un peu 3 étapes. Ce que vous avez décrit Éric, c'est la première étape, c'est le biogaz biométhane qu'évoquait Gabrielle précédemment, et c'est l'objet d'ailleurs de notre coopération avec ENGIE. C'est un projet qu'on a appelé Salamandre et qui va produire dans un premier temps 11000 tonnes de biogaz, donc de biométhane, issu des biodéchets.

Et en effet, ça va se passer sur le port du Havre, où nous serons en capacité d'obtenir ce biométhane à mettre dans nos navires.

La 2e étape, ce sera le recours au e-methane de synthèse et e-méthanol de synthèse. Et enfin il y aura une 3e étape parce que on ne s'arrête pas à ces biogaz ou à ce biométhanol ou e-méthanol. On va explorer également les autres options offertes par l'hydrogène, voire par l'ammoniac liquide. 

Donc notre trajectoire de décarbonation du transport maritime repose sur le levier de la réduction de consommation et sur le levier des carburants décarbonés ou moins carbonés. 

Erik Orsenna   :

Merci beaucoup Claire. Alors comment se passe la coopération entre un énergéticien, ENGIE, et  le leader du transport, concrètement ?

Gabrielle Ménard :

Ça se passe très bien ! Aujourd'hui, le transport maritime représente 3% des émissions de CO 2 dans le monde. 3% dit comme ça, ça paraît peu, mais si on le ramène à un pays, ça ferait du transport maritime le 6e pays plus gros pollueur mondial, entre le Japon et l'Allemagne. 

Donc pour revenir à ENGIE, c'est dans notre ADN d’énergéticien d'accompagner nos clients dans leur transition 0 carbone. Nous-mêmes, nous avons pour objectif d'être 0 carbone à l'horizon 2045. Donc, à ce titre, le groupe ENGIE a signé un partenariat stratégique en 2020 avec CMA CGM. Cet accord comporte plusieurs volets, dont le premier a pour but de développer la production de 200 000 tonnes de gaz renouvelable pour alimenter les navires. Et on a aussi un volet R&D qui s'intéresse à plusieurs sujets, dont la réduction des coûts de production des gaz renouvelables, leur disponibilité, l'amélioration de l'efficacité énergétique ou encore la capture du CO 2 à bord des navires. 

Erik Orsenna   :

Mais alors, comment ça se passe concrètement les relations de travail avec CMA CGM ? Vous, par exemple, avec qui êtes-vous en relation ?  ENGIE a changé de métier, vous faites de la conception de bateaux maintenant ? Parce que je n'ai pas vu beaucoup d'armateurs à la Défense.

Gabrielle Ménard :

Non, ENGIE ne fait pas de la conception navire, CMA CGM et les chantiers le font très bien. Nous accompagnons CMA CGM sur la partie carburant et donc sur les usages de ces nouveaux carburants, leur production et les chaînes d'approvisionnement. 

Cependant, la partie carburant a un fort impact sur le design des navires et va intervenir dans la conception. L'objectif c'est d'avoir un maximum d'espace dédié à la cargaison utile et le moins possible au carburant.

Erik Orsenna   :

Bah oui, tout ce qui est pris par les carburants, ça fait des containers en moins.

Gabrielle Ménard :

Exactement. Tout à l'heure je vous disais que le GNL permet de stocker 600 fois plus d'énergie que le gaz sous forme gazeuse dans un même volume. Mais si le pétrole est toujours aussi intéressant dans le monde maritime, c'est que pour parcourir la même distance, il va falloir à peu près 2 fois plus de GNL que de pétrole en volume. La force du pétrole, c'est sa densité énergétique volumique très importante.

Donc pour les transporteurs, pour l'instant, les carburants maritimes renouvelables coûtent plus cher et prennent plus de place à bord.  Donc, dans nos activités de R&D sur cette application maritime avec CMA CGM, nous devons tenir compte de cette contrainte espace qui se pose moins quand on traite des sujets à terre. 

Mes ingénieurs de recherche ont besoin de travailler au quotidien avec les ingénieurs de la Claire MartinA  pour bien comprendre les spécificités du transport maritime. 

Erik Orsenna   :

Alors ils embarquent ? 

Gabrielle Ménard :

Oui, on a eu l'occasion d'embarquer à bord d'un des navires de la Claire MartinA, le Sorbonne, au port de Rotterdam, pour mieux comprendre comment ça fonctionne. 

Erik Orsenna   :

Alors à propos de ports, on a la même chose que pour la transition d'électricité des voitures, il faut qu'il y ait des ports qui aient des branchements possibles avec du bio GNL. Alors comment ça se passe ? C'est avec les municipalités, les ports ? Comment ça marche ? 

Gabrielle Ménard :

Ca va au-delà des municipalités. Aujourd’hui, on trouve des carburants fossiles dans tous les ports du monde. Personne ne peut prévoir l'avenir, mais dans le futur il n'est pas certain qu'on trouvera du bio GNL dans tous les ports du monde. Ce qu'il faut avoir en tête, c'est qu’on est en train de changer d'ère sur le sujet de l'énergie, on quitte un monde où l'énergie se résumait au pétrole, au charbon et au nucléaire, et il n'y aura pas de molécule miracle, on s'oriente vers un monde de diversité des usages et des ressources utilisées.

Donc on imagine dans le futur qu'en fonction des routes, des zones géographiques, des usages, par exemple transport intercontinental ou transport côtier, ce ne sera pas forcément le même carburant qui sera utilisé. Le bioGNL n'est pas le nouveau pétrole, mais il fait partie des solutions qui vont permettre de décarboner le transport maritime sur des zones géographiques concernées.

Et donc à la complexité technico-économique d'embarquer ces nouveaux carburants à bord, de créer les chaînes d'approvisionnement adéquates, il faut aussi ajouter les enjeux politiques et les stratégies d'alignement gouvernementales au niveau mondial. Par exemple, pour l'instant, la CMA CGM n’opère des navires GNL qu’entre l'Europe et la Chine et bientôt vers les États-Unis. Parce que ce sont les seules zones du monde où du GNL carburant est disponible. 

Erik Orsenna   :

Ce qui est très frappant en vous écoutant et en écoutant l'intervention de Claire Martin, c'est de voir la nécessité d'interaction et de travail en commun jusque dans la conception même de l'industrie. Au fond, avant, c'était assez simple parce que les sources étaient assez uniques. Il y avait un métier de producteur d'énergie, un autre métier de transport ou d'industrie, de fabrication des biens. Maintenant, on a besoin dès le début de conception en commun des nouveaux produits, des nouveaux bateaux, des nouveaux avions, et cetera. C'est l'originalité absolue de cette transition. Il n’y a pas de source unique et il faut collaborer pour atteindre nos objectifs, collaborer dès le début de la conception.


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