Nous sommes fiers d’avoir participé et contribué à ce beau projet.
Marinette Loisy
Après un master 2 en techniques de décision en entreprise (axé statistique et informatique) obtenu à L’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, j'ai rejoint le Groupe en 2008, au Lab Crigen, un des Centres de Recherche du Groupe. Là, j'ai travaillé sur des projets présentant des problématiques très différentes, toutes aussi passionnantes les unes que les autres, dont l’un concernait déjà la prévision de consommation, mais pour du gaz. Il s’agissait d’optimiser la dimension des tuyaux de gaz en fonction de la consommation prévue. J'ai aussi travaillé avec le laboratoire H2 sur des analyses de comportement de véhicules roulant à l’hydrogène, avec le laboratoire Environnement et Société pour étudier la corrélation entre la météo et la présence de chauve-souris près d’éoliennes, ou encore avec le laboratoire Liquéfaction pour identifier les parcours des méthaniers générant le moins de perte de GNL.
J'ai également contribué à détecter les comportements annonciateurs de pannes sur des chaudières biomasse, avec un objectif de maintenance prédictive en analysant les données issues de capteurs ainsi que les pannes recensées sur les années passées.
En 2020, j'ai obtenu un Certificat d’Etudes Spécialisées (CES) de « Data Scientist » par l’organisme de formation Télécom Paris.
Marinette Loisy
J'ai un diplôme de Data Scientist mais pour moi c'est juste un terme « à la mode » pour qualifier tout ce qui est statistique. Dans mon esprit, je suis toujours statisticienne.
C'est vrai que nous avons maintenant accès à des volumes de données de plus en plus importants et à de nouvelles techniques pour les utiliser ce qui n’était pas le cas avant. Et les données, la data, prennent de plus en plus d’importance.
Slawomir Pietrasz
J’ai un diplôme d'ingénieur de l’Ecole Centrale Paris (actuellement CentraleSupélec) avec une spécialisation en mathématiques appliquées. Mes travaux ont d'abord porté sur la biologie, puis sur l'énergie quand j’ai intégré Gaz de France en 2005. J’ai travaillé sur différents projets orientés gaz et sur des outils d'aide à la décision.
J’ai moi aussi obtenu un autre diplôme en 2019-2020, plus orienté sur l’intelligence artificielle que sur l’analyse des données. Je voulais me mettre à jour sur les techniques de l'apprentissage statistique, l'intelligence artificielle au sens large, les méthodes et les architectures possibles et leurs applications, telles que la voiture autonome, la robotique basée sur l'apprentissage par renforcement, les réseaux de neurones convolutionnels, les ontologies, les systèmes de recommandation …J'ai pu grâce à la formation comprendre ce qui se cachait derrière tous ces mots clés.
Predity for Asset est un outil de la GBU Energy Solutions qui gère le mélange énergétique de 8 réseaux de froid et de plus de 120 réseaux de chaleur dont une dizaine de réseaux à l'international. En fonction de la météo les réseaux de chaleur sont confrontés à la volatilité des prix de l’énergie et le choix d’une source d’énergie par rapport à une autre peut être lourd de conséquences financières tout comme environnementales. Predity for Asset collecte plus de 600 millions de données par jour, issues de capteurs mais aussi de sources externes comme la météo ou les prix de marché.
Predity for Asset intègre depuis 6 mois deux outils développés par le Lab Crigen, Predi Demand et Predi Scenario qui facilitent et automatisent cette prise de décision. Ce sont à ces deux briques que nous avons largement contribué.
Predi Demand est un outil IA qui se base sur 12 mois de données de production pour chaque réseau pour mettre en corrélation la production avec les variables externes de température et de calendrier. Il permet ainsi de prédire la demande pour les 14 prochains jours. Ces prédictions sont générées automatiquement chaque nuit pour tous les réseaux.
Predi Scenario part de ce résultat et permet aux ingénieurs d'y ajouter des caractéristiques techniques et financières pour chaque actif : nombre et types d'équipements, puissance installée, coûts de carburant, taux d'émission de CO2 et contraintes opérationnelles telles que la maintenance ou les obligations contractuelles. Cet outil utilise un algorithme puissant pour calculer, grâce à un solveur, un scénario optimal en quelques minutes seulement.
C'est l’une des premières applications pratiques de l’IA pour l’amélioration des performances, développée grâce à une collaboration interne entre les équipes de R&I et de la GBU. L'impact est direct : des prévisions plus fiables conduisent à une meilleure gestion de l'énergie, à une amélioration des performances de l'entreprise et à une réduction de l'empreinte carbone en maximisant l'utilisation de l'énergie verte et en réduisant les coûts.
Slawomir Pietrasz
L'an passé, nous avions déjà soumis un dossier sur ce projet avec le Lab Cylergie et la GBU mais plutôt d'un point de vue technique. Le projet n’avait pas été retenu car pas assez mature. Cette année, c’est à l’instigation de la GBU que le projet a été présenté à nouveau. La GBU a choisi de déposer un projet sur un périmètre un peu plus large, tout en mettant l'accent sur les nouveaux modules de prévision que Marinette avait développés et Predi Scénario, l'outil d'aide à la gestion des actifs de production de chaleur qui ont été déployés opérationnellement depuis.
Slawomir Pietrasz
Le projet initial (celui présenté en 2023) fonctionnait pour un usage particulier des centrales biomasse. La GBU demandait un élargissement du périmètre d'application de la fonction de prévision et la prise en compte d’un nouvel équipement pour la fonction de production. Après plusieurs tests, nous avons estimé qu’il serait plus intéressant de réécrire un code avec une méthode maîtrisée pour la fonction de prévision.
Marinette a étudié un éventail plus important de réseaux et a réalisé un modèle de prévision différent, adapté au périmètre fonctionnel plus étendu recherché. D’autres collègues du Crigen ont participé à l'implémentation du modèle, testé sur des données par Marinette puis transcrit pour pouvoir être intégré à l'environnement client.
Notre souci de rester au plus proche du besoin du client nous a conduit tantôt à réécrire tantôt à compiler le code implémenté pour l’intégrer à la plateforme Predity. Le gros de ce travail portait sur l'outil de prévision sur lequel travaillait Marinette.
Une réussite issue de la collaboration entre deux Labs de R&I
A l’origine, il s’agissait de répondre à un très vieux problème. Va-t-il faire froid ? De quelle quantité de bois vais-je avoir besoin ?
Appliqué aux métiers des contributeurs de Cylergie, le besoin était un peu plus précis : quelle quantité de camions de bois commander, jour par jour, en tenant compte des caractéristiques de la chaufferie biomasse et des demandes du réseau de chaleur ? Pour anticiper les variations de demande de chaleur du réseau, Cylergie avait développé un modèle de prévision, basé sur les réseaux de neurones qui s’est avéré très performant. Cet outil (BM Conso) a été testé sur 5 sites avec succès durant l’hiver 2021. Mais, pour lui assurer un déploiement massif, Cylergie a proposé au Crigen d’industrialiser le produit.
Cylergie a repris le développement de l’application pendant que le Lab Crigen reprenait son intégration et son hébergement, renforçait la prévision et greffait une fonctionnalité bien plus large et complexe : l’optimisation des engagements des assets du réseau : Predi Scenario, une fonctionnalité priorisée par le client.
Après bien des perfectionnements, l’outil de prévision (Predi Demand) et l’outil d’optimisation d’engagement (Predi Scenario) ont été intégrés à Predity for Asset d’ENGIE Solutions. Depuis décembre, la panoplie a été complétée par Predi Biomass, bouclant ainsi la boucle en revenant à la question originale.
Bel exemple de collaboration entre Labs pour des projets de recherche parfois filandreux, aux retombées inattendues… mais concrètes.
Slawomir Pietrasz
La métaphore qui me vient, c'est « back- propagation », un terme utilisé dans le calcul des réseaux de neurones. Le premier projet avait été développé à partir du besoin exprimé de gérer l’approvisionnement des chaudières biomasse. Pour cela, il fallait développer un outil qui puisse prévoir la quantité de camions et la quantité de biomasse nécessaire.
Mais pour ça, on avait besoin de prévoir quelle serait la demande énergétique du réseau et il fallait une fonctionnalité pour prévoir la quantité d'énergie de chaleur, sur un périmètre très local, quelques réseaux. J’ai proposé de procéder par optimisation et non plus par simulation pour aider les ingénieurs qui gèrent le réseau à prendre les décisions les meilleures possibles dans le temps le plus court possible. Au lieu de calculer différents scénarios à la main, l’idée était de renseigner des contraintes à partir desquelles l'outil allait calculer les meilleurs scenarios.
Il s'est avéré que pour fonctionner, cet outil-là avait besoin d'une prévision, ce qui est devenu Predi Demand, et pouvait servir en partie à Predi Biomass.
En somme, on est parti d'un besoin et on s'est aperçu qu'il y avait des briques intermédiaires à créer avant de pouvoir répondre à ce besoin final. Et ces briques intermédiaires ont été intégrées à Predity, lui permettant au passage de remporter un OEA.
Marinette Loisy
Quand on travaille sur beaucoup de projets pour chercher des nouvelles idées, mais que ces projets ne sont finalement pas déployés, on ressent parfois une frustration. Un projet qui finit sur une étagère, c’est frustrant pour ceux qui ont fait la recherche, et ça pose un problème également aux dirigeants qui investissent dans des projets qui ne leur rapportent rien.
Le changement de stratégie lié à la création de R&I nous demande de travailler avec le but d’industrialiser, de déployer et d’être rentable. Et effectivement ce projet-là est allé dans le bon sens puisque nous avons travaillé dessus, qu’il est déployé et qu’il permet au groupe de faire des économies tout en répondant également aux objectifs de développement durable.
Slawomir Pietrasz
Il faut quand même préciser que quand on a travaillé ou réfléchi sur un sujet à un moment donné, celui-ci continue à mûrir et lorsqu'on se retrouve dans une situation où l’on perçoit des similitudes, on se dit, "tiens, je pourrais tenter d'appliquer cette solution, je vois facilement comment appliquer telle technique à ce problème."
Cela a été le cas pour mon modèle d'optimisation, et également pour Marinette, qui avait déjà travaillé sur un modèle de prévision et était sure de réussir à l'adapter. Evidemment, il a fallu faire un travail de recherche sur les données, les analyser pour identifier quels sont les facteurs pertinents, mais grâce à nos recherches antérieures, nous connaissions et nous maîtrisions le type de modèle que nous voulions employer pour traiter ce problème.
Le modèle que j'ai réécrit est inspiré de ce que j'avais fait pour un réseau multi-énergies à Singapour pour le projet REIDS-SPORE. La manière dont j'ai conçu le code d'optimisation est plus générique, plus simple du point de vue modèle et un peu plus élaborée du point de vue données, donc demande un peu plus de travail côté client, mais un peu moins de maintenance pour le développeur. J'ai essayé de le concevoir pour qu'il puisse être déployé chez le client le plus simplement possible, que ça ne soit pas une grosse ingénierie informatique dont le client ne voudrait pas.
On réutilise l'expérience de ce qui n’a pas marché et de pourquoi ça n’a pas marché. Forcément il y a des échecs ou des non aboutissements, certains projets finissent sur les étagères, mais à chaque fois qu'on remet la main à la pâte, on se dit "OK, qu'est-ce que je pourrais faire pour que ça aboutisse, que ça arrive chez le client ? Qu'est-ce qui a manqué ?"
Marinette Loisy
Oui, effectivement, à chaque fois qu'on travaille sur un projet, même s'il n’aboutit pas, on acquiert des nouvelles techniques, on apprend de nouveaux algorithmes, de nouvelles façons de coder qui vont être plus efficaces. Et bien évidemment, si on en a besoin par la suite et que ça peut simplifier le travail on les réutilise. Quand j'ai travaillé sur ce modèle de prévision, je me suis basée sur mes acquis, sur ce que j'avais pu faire quand j'ai fait de la prévision pour du gaz parce que c'est un peu le même principe.
Bien sûr, il y a des échanges avec le métier pour connaître les spécificités de leurs réseaux, mais il y a une méthodologie et une façon d'avancer qui est un peu similaire.
Marinette Loisy
C'était un grand moment, d'autant plus que nous ne nous y attendions pas. On nous avait laissé entendre que nous n’allions pas gagner, donc ça a été une grosse surprise.
C'est agréable aussi par le fait de valoriser notre travail et d’être reconnus, de mettre en visibilité notre Lab et nos compétences. Et puis ça permet de montrer ce qu'on a été capable de faire et et à quel point c’est utile. Le fait que le projet soit déployé dans le monde et pas juste à la maille France lui donne aussi du poids.
Donc, effectivement, nous étions fiers d’avoir participé et contribué à ce beau projet.
Slawomir Pietrasz
Là où je suis content, c'est, comme le dit Marinette, du déploiement à l'international pour un grand nombre d'utilisateurs. Déployer à l'échelle française avec une vingtaine d’utilisateurs dans différentes régions France, c'était déjà un succès. C’est très satisfaisant de se dire « c'est intégré, ça va servir ». Et particulièrement parce que le modèle de Marinette représente la base, la brique élémentaire de prévision de demandes qui alimente d'autres outils qui peuvent être utilisés de façon moins fréquente.
De plus, il y aura sans doute des adaptations, certains pays auront probablement des besoins encore plus spécifiques sur lesquels on nous demandera peut-être de travailler.
C'est une satisfaction de me dire que le modèle que j’ai développé puis adapté dans une version plus compacte est intégré à une plateforme qui est opérationnelle. Satisfaction aussi d'avoir embarqué dans cette aventure des personnes dont j’estime les compétences et qui ont envie de contribuer. Et qu’elles soient reconnues pour ce succès, que ça les mette en avant
Marinette Loisy
Nous échangeons avec la GBU Energy Solutions, nous allons rencontrer prochainement les équipes pour voir s'il y a des choses à améliorer après quelques mois d'utilisation de l’outil ou des choses qui leur paraîtraient plus ergonomiques ou pertinentes à améliorer.
Et puis on travaille aussi sur le développement de modèles de prévision de demande sur des réseaux de froid puisque cet outil est lui destiné aux réseaux de chaleur. Et comme le modèle actuel a été développé dans une certaine urgence, nous avions pas mal d'autres idées que nous n’avons pas eu le temps d’explorer pour l'améliorer encore, ce que nous pourrons faire à l'avenir.
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