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De la chaleur au froid : les systèmes élastocaloriques dans le parcours de défossilisation
Technos émergentes 21/07/2025

De la chaleur au froid : les systèmes élastocaloriques dans le parcours de défossilisation

Dans un contexte de demande énergétique croissante et d’urgence climatique, la recherche de solutions de chauffage et de climatisation à la fois innovantes, durables et sobres en carbone devient une priorité. Parmi les technologies émergentes, les systèmes élastocaloriques se distinguent par leur potentiel à offrir une régulation thermique efficace sans recourir aux réfrigérants traditionnels. Toutefois, leur adoption à grande échelle reste entravée par des défis techniques, économiques et environnementaux. Cet article explore ces obstacles, tout en mettant en lumière les perspectives offertes par cette technologie dans le cadre de la décarbonation des usages thermiques.

Le chauffage et la climatisation représentent près de 50 % de la consommation énergétique finale dans les pays développés, devant l’électricité (20 %) et les transports (30 %).

L'effet élastocalorique est une réponse thermique réversible offrant des alternatives prometteuses à la réfrigération traditionnelle par compression de vapeur, comme le démontrent des études en laboratoire et des validations de principe.

Un enjeu énergétique majeur

Le chauffage et la climatisation représentent près de 50 % de la consommation énergétique finale dans les pays développés, devant l’électricité (20 %) et les transports (30 %). Ces usages sont responsables de plus de 40 % des émissions mondiales de CO₂ liées à l’énergie. Avec l’essor des économies émergentes et l’aggravation du réchauffement climatique, la demande en climatisation pourrait croître de 45 % d’ici 2050 par rapport à 2016.

Des besoins thermiques sectorisés

  • Bâtiments : Les besoins en température (< 100 °C) varient selon les usages résidentiels ou tertiaires, allant de solutions individuelles à des réseaux de chaleur urbains.
  • Industrie : Les procédés industriels se répartissent entre les basses températures (agroalimentaire, chimie) et les hautes températures (> 1 000 °C) pour la production de matériaux comme l’acier ou le ciment, encore largement dépendants des combustibles fossiles (89 % en 2020).
  • Refroidissement : Essentiel dans de nombreux secteurs (santé, agroalimentaire, logistique, construction), les besoins s’étendent de +14 °C à -80 °C, voire -150 °C pour les systèmes cryogéniques.

Technologies actuelles et limites

La technologie de refroidissement la plus répandue aujourd'hui repose sur le cycle de compression-détente de gaz, la climatisation (AC) étant sa forme la plus avancée. Les systèmes de climatisation vont des petites unités pour une seule pièce aux grandes installations pour des bâtiments et des quartiers entiers.

La plupart des systèmes de climatisation fonctionnent à l'électricité, mais les plus grands peuvent également utiliser le gaz naturel, la chaleur résiduelle ou l'énergie solaire. Actuellement, les climatiseurs représentent près de 20 % de la consommation mondiale d'électricité des bâtiments, un chiffre qui devrait augmenter avec la croissance économique et démographique des régions plus chaudes.

Ces technologies reposent sur le principe selon lequel les liquides absorbent la chaleur lors de leur évaporation et la restituent lors de leur condensation (cycle de Carnot classique). Des composés chimiques spécifiques, appelés réfrigérants, qui changent facilement d'état à basse température, sont utilisés dans un circuit fermé.


Vers une nouvelle génération de systèmes thermiques

Les technologies traditionnelles de chauffage et de climatisation, bien qu'efficaces, présentent des inconvénients majeurs : une consommation énergétique élevée et l'utilisation de réfrigérants à fort potentiel de réchauffement climatique. Il est donc impératif de développer des alternatives plus efficaces, plus respectueuses de l'environnement et plus rentables.

Les matériaux solides avancés (magnétocaloriques, électrocaloriques, barocaloriques, élastocaloriques) offrent une alternative prometteuse. Ces matériaux exploitent des stimuli externes (champ magnétique, pression, contrainte mécanique) pour produire des variations de température, sans changement d’état liquide-gaz.

  • Effet magnétocalorique : Le transfert de chaleur se produit lorsqu’un champ magnétique est appliqué.
  • Effet électrocalorique : Le transfert de chaleur résulte de l’application d’un champ électrique provoquant des changements de polarisation.
  • Effet mécanocalorique : Le transfert de chaleur et les variations de température résultent d’une contrainte mécanique.
  • Effet barocalorique : Le transfert de chaleur est produit par la pression isostatique.
  • Effet élastocalorique : Des variations de température se produisent lors de la déformation (étirement, compression, torsion).

Les matériaux élastocaloriques présentent des variations de température marquées lorsqu’une contrainte mécanique est appliquée puis supprimée, un processus connu sous le nom d’effet élastocalorique. Cette réponse thermique réversible offre des alternatives prometteuses à la réfrigération traditionnelle par compression de vapeur, comme le démontrent des études en laboratoire et des validations de principe. 

L'effet élastocalorique en détail

Les matériaux élastocaloriques courants comprennent les alliages à mémoire de forme (AMF) (à base de nickel : Nitinol, NiTi) et les polymères réticulés (élastomères). Ils subissent des changements de phase activés par des températures et des niveaux de contrainte spécifiques, selon leurs propriétés, selon un cycle très similaire à un cycle de Carnot.


  • Application de contrainte : L’application d’une contrainte mécanique (de 0 à σmax) augmente la température du matériau en raison de transformations de phase (par exemple, martensite dans les alliages à mémoire de forme, cristallisation induite par déformation dans les élastomères).
  • Libération de chaleur latente : Une fois la contrainte et la température maximales atteintes, le matériau libère de la chaleur latente, qui est ensuite dissipée via un dissipateur thermique.
  • Élimination de contrainte : La libération de contrainte entraîne un refroidissement supplémentaire du matériau (par exemple, transition vers l’austénite dans les alliages, phase amorphe dans les élastomères).
  • Absorption de chaleur : Le matériau absorbe la chaleur de l’environnement et revient à sa température initiale.

Ce cycle, entièrement réversible, permet de remplacer les composants clés des systèmes traditionnels (compresseurs, réfrigérants) par des actionneurs mécaniques et des matériaux solides.

Performance et efficacité

Le coefficient de performance du matériau (COPmat) est essentiel pour évaluer le potentiel de refroidissement d'un matériau élastocalorique.

Certains matériaux élastocaloriques peuvent atteindre des COP supérieurs à 70 %, surpassant ainsi les pompes à chaleur conventionnelles à fluide frigorigène (COP typique compris entre 40 % et 60 %). Cependant, le COP global du système est considérablement réduit en raison des pertes au niveau de l'échangeur de chaleur, de l'actionneur, de la régénération et de la consommation d'énergie auxiliaire. L'efficacité est affectée par les pertes mécaniques et thermiques, la récupération limitée de chaleur/travail et le recours à des auxiliaires énergivores.

Bien que les progrès réalisés dans les matériaux et les actionneurs aient amélioré les prototypes, il reste difficile de savoir quand les systèmes élastocaloriques surpasseront les pompes à chaleur conventionnelles en termes d’efficacité globale.

Avantages et défis

Avantages

  • Rendement supérieur et variations de température plus importantes que les autres effets caloriques.
  • Réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre et de l'impact environnemental.
  • Élimination des réfrigérants nocifs (aucun fluide ni gaz volatil impliqué).
  • Composants système réutilisables et recyclables favorisant la durabilité.
  • Réduction du bruit par rapport aux systèmes traditionnels.

Défis

  • Fatigue des matériaux : les cycles mécaniques répétés peuvent endommager les matériaux élastocaloriques, en particulier les alliages à mémoire de forme (comme le NiTi), réduisant ainsi leur durée de vie.
  • Assurer la stabilité et la densité de puissance à long terme est un défi.
  • Adapter le système à des applications plus importantes et maintenir les performances à des coûts maîtrisés est difficile.
  • Le COP global actuel du système est limité par l'inefficacité des actionneurs et des échangeurs de chaleur.
  • Les remplacements fréquents dus à la fatigue pourraient augmenter les coûts de maintenance et les coûts environnementaux.


Acceptabilité et enjeux sociétaux

Les systèmes élastocaloriques pourraient répondre à des besoins critiques, notamment dans les régions les plus exposées au changement climatique. Pour favoriser leur adoption, il est essentiel de :

  • Réduire les coûts de production.
  • Adapter les dispositifs aux contraintes urbaines.
  • Sécuriser l’approvisionnement en matériaux critiques (ex. : nickel)

Contributions et remerciements 

  • Enrico Biagini
  • Maria Rosanne
  • Benjamin Metayer 
  • Camille Riviere
  • Elodie du Fornel
  • Jan Mertens
  • Jean-Pierre Keustermans
  • Céline Denis
  • Olivier Sala


Pour aller plus loin :


Consultez le rapport 2025 d’ENGIE sur les technologies durables émergentes pour plus d’exemples, de cas d’usage et d’analyses.


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