Traduction de l'article de Fortune.com « Making green energy more trusted—with the same tech that keeps cryptocurrency safe » par David Z Morris.
En théorie, les clients seront rassurés par l'emploi d'une technologie dite inviolable pour enregistrer chaque mégawatt produit à sa source. Si une entreprise affirme utiliser de l'énergie solaire, les clients seront en mesure de le vérifier, tout en bénéficiant d'informations plus détaillées sur leur consommation d'énergie.
« On peut amener l'information à une très petite granularité, jusqu'à l'heure », explique Thierry Mathieu, responsable du projet TEO. « Si vous n'êtes conscient de l'impact réel de votre énergie qu'une fois par mois, il est difficile de vraiment prendre le contrôle et de commencer à changer les choses. »
De la monnaie virtuelle au monde réel
La technologie utilisée par ENGIE provient de la startup française Ledger. L'activité principale de cette société est la création de stockage sécurisé pour Bitcoin et autres crypto-monnaies, mais elle s'est récemment étendue à la sécurité pour les appareils connectés à Internet, grâce à une nouvelle unité appelée Ledger Origin.
Le partenariat TEO-ENGIE a été la première étape de Ledger Origin dans ce nouveau domaine, avec un développement à partir de 2017. TEO et Ledger installent des dispositifs de suivi inviolables sur les sources d'énergie renouvelables d'ENGIE, y compris les éoliennes, afin que les données sur leur production d'énergie puissent être enregistrées sur une blockchain, le même type de base de données qui sous-tend Bitcoin.
ENGIE a installé des dizaines d'appareils Ledger sur ses équipements en France et au Brésil, et prévoit de déployerces équipements aux États-Unis d'ici début 2020. D'ici fin 2020, l'entreprise espère avoir connecté 1 000 sources d'énergie au système, et 100 000 d'ici 2023.
En plus d'essayer d'accroître la confiance dans les énergies renouvelables, ce projet est un test important pour la blockchain.
Depuis 2017, les partisans de la blockchain vantent le potentiel de la technologie pour améliorer la confiance et la transparence dans presque tout, des dossiers de santé au trading d'actions.
Jusqu'à présent, la blockchain n'a cependant pas tenu cette promesse. Un des problèmes clé est qu'il y a eu peu de tentatives pour protéger la fiabilité des données que la technologie enregistre. Ledger tente de résoudre ce problème en utilisant du matériel similaire à celui utilisé dans les systèmes de cartes de crédit. Le matériel, intégré à l'équipement de comptage existant, est censé empêcher la modification des données à la source. « Personne ne peut l'altérer », dit M. Gauthier. « Si vous touchez la puce, elle est effacée. »
Le matériel sécurisé de Ledger installé sur un dispositif de suivi de l'énergie.
Les données sont également cryptées là où elles sont recueillies avant d'être transmises pour le stockage, ce qui les empêche d'être modifiées par quiconque les intercepte. Ceci est étroitement lié à la technologie des portefeuilles de crypto-monnaie de Ledger, qui stockent des codes privés pour protéger l'accès à la monnaie numérique d'un utilisateur.
Ces données énergétiques sont ensuite transmises et enregistrées sur l'Energy Web Chain, une base de données blockchain open source déployée en 2019 et dirigée par le Rocky Mountain Institute (RMI), un groupe de réflexion sur l'énergie. Tokyo Electric (Tepco) et Centrica, un service public britannique, sont d'autres partisans de ce projet. Comme avec d'autres systèmes de blockchain, la participation de plusieurs partenaires dans l'Energy Web Chain vise à accroître la fiabilité des données qui y sont enregistrées.
Thierry Mathieu de TEO,estime que cette sécurité supplémentaire aidera ENGIE à vendre des énergies renouvelables. Bien que l'objectif à long terme soit de vendre aux consommateurs sur la valeur de l'énergie vérifiée blockchain, la première étape sera de cibler les grandes entreprises dotées de programmes de durabilité, comme Amazon ou Google.
Blockchain et énergies renouvelables sont un moteur de ventes plus facile à utiliser dans certains endroits que d'autres. Plutôt que d'acheter directement des énergies renouvelables, de nombreuses sociétés achètent ce qu'on appelle des crédits d'énergie renouvelable, des certificats qui représentent l'avantage environnemental d'une unité d'énergie verte.
Diverses organisations existent déjà pour certifier la fiabilité des crédits d'énergie renouvelable, dont des systèmes de certification utilisant déjà un suivi électronique sophistiqué aux Etats Unis.
Cela a permis d'éliminer la fraude aux États-Unis dit Rachel Terada, directrice technique du Center for Resource Solutions, un organisme à but non lucratif axé sur les énergies renouvelables.
Mais des failles subsistent dans d'autres systèmes. Par exemple, une organisation européenne de certification a récemment découvert que des certificats similaires d'énergie verte connus sous le nom de Garanties d'origine (GOos) avaient été créés par erreur pour l'électricité de trois centrales à gaz en Italie. Bien que des systèmes comme celui de TEO ne puissent pas résoudre de tels problèmes institutionnels, la transparence axée sur la technologie pourrait réduire la dépendance à l'égard des organisations tierces qui surveillent les entreprises énergétiques et leurs rapports sur les énergies renouvelables.
Pour Rachel Terada, la blockchain pourrait être une alternative viable quand il n'y a pas de systèmes établis et dignes de confiance, en partie parce qu'elle peut être plus facile à mettre en place et moins dépendante de moniteurs tiers. L'Energy Web Chain, par exemple, s'est associé à un conglomérat thaïlandais, PTT, pour émettre des crédits d'énergie renouvelable basés sur la blockchain pour l'Asie du Sud-Est.
En plus de son projet avec ENGIE, Ledger Origin travaille également avec Veolia pour installer des capteurs de qualité de l'eau difficiles à falsifier pour les systèmes municipaux. Il s'agit d'une protection contre la contamination de l'environnement, mais aussi contre d'éventuelles tentatives pour interférer avec l'approvisionnement en eau.
« C'est très critique », déclare Bertrand Jomard, directeur de Ledger Origin. « Vous voulez être sûr qu'un terroriste ne puisse pas envoyer des données fausses. »
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