La capacité de production actuelle d’hydrogène liquide est d’environ 400 tonnes par jour dans le monde et 26 en Europe
En juin 2020, à l’occasion de l’annonce d’un plan de relance de l’aéronautique, un secteur fortement fragilisé par la crise du Covid-19, le gouvernement français a affiché sa volonté de voir voler un avion zéro-émission dès 2035. Mais comment faire ? L’une des pistes est celle des carburants de synthèse durable, une autre est celle de l’hydrogène (H2), mais pas n’importe lequel, un hydrogène renouvelable.
Aujourd’hui, 53 % de la production mondiale d’hydrogène est utilisée pour produire de l’ammoniac destiné aux fertilisants, 32 % pour la production de produits pétroliers en raffinerie, 8 % pour produire du méthanol... L’hydrogène destiné au transport n’est aujourd’hui qu’un marché marginal. Cependant la situation va changer. Au total, la demande actuelle d’hydrogène est d’environ 70 millions de tonnes par an, mais à échéance 2050, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) estime qu’elle va plus que tripler pour atteindre 240 millions de tonnes par an.
Cette croissance viendra principalement de la mobilité lourde dont l’aviation (avec le routier et le maritime). Et en effet, l’hydrogène, s’il est produit à partir d’énergies renouvelables, est une solution qui réduit drastiquement les émissions de CO2 par rapport aux fuels conventionnels, diminuant également, sans complètement les supprimer, les émissions d’oxydes d’azote (NOx) et de soufre (SOx) et de particules.
Sous quelle forme doit être cet hydrogène ? C’est un des nœuds du problème, car la densité volumique de l’hydrogène gazeux est très faible (l’hydrogène est le gaz le plus léger, 11 fois plus léger que l’air), ce qui pose des difficultés pour le stockage. En outre, l’hydrogène a une densité énergétique massique élevée, mais une faible densité énergétique volumique par rapport aux autres combustibles. Il contient 120 mégajoules (MJ) par kilogramme et 5,6 MJ par litre (à 700 bars). Par comparaison, pour l’essence ces valeurs sont respectivement 45 et 35. Au final, un volume de 13 litres serait nécessaire pour stocker 315 grammes d’hydrogène à 350 bars, soit l’équivalent d’un litre de kérosène.
En réduisant la température de l’hydrogène à – 253 °C, il se liquéfie, ce qui permet d’augmenter sa densité énergétique volumique (elle atteint environ 10 MJ par litre) et de faciliter son transport et son stockage. Un volume de 4 litres suffit alors à stocker 315 grammes d’hydrogène.
D’une capacité de 100 à 200 passagers, ces avions destinés à des trajets court et moyen-courriers (75 % des vols dans le monde) pourraient entrer en service d’ici 2035, comme le souhaite le gouvernement. Des trois concepts ZEROe d’avion à hydrogène liquide imaginés par Airbus, l’aile volante est le plus ambitieux. |
Safran travaille à la propulsion de ces avions ZEROe qui voleront grâce à la combustion d’hydrogène (avec de l’oxygène) dans des moteurs à turbine à gaz modifiés, mais fonctionnant de façon similaire à ceux des avions classiques. En outre, les piles à combustible à hydrogène produiront de l’électricité qui complétera les turbines à gaz, offrant à l’avion un système de propulsion hybride très efficace.
Avant le premier vol de nombreux défis sont à relever. D’abord, les réservoirs d’hydrogène doivent être cylindriques ou sphériques (des formes mieux adaptées au maintien du froid), ce qui entraîne une révision complète de l’aménagement de l’avion, car le carburant est aujourd’hui stocké dans les ailes. En conséquence, l’utilisation de l’hydrogène pour des vols long-courriers avec plusieurs centaines de passagers semble peu probable à l’heure actuelle.
L’origine de l’hydrogène est aussi une question importante. Émis naturellement du sol, il peut également être produit à partir de presque toutes les formes d’énergie, qu’elles soient fossiles ou renouvelables. |
L’hydrogène liquide est actuellement principalement utilisé au niveau mondial pour les applications aérospatiales (34 %) et électroniques (30 %), mais le marché reste encore très restreint. En effet, la capacité de production actuelle d’hydrogène liquide est d’environ 400 tonnes par jour dans le monde et 26 en Europe. Par ailleurs, les unités de liquéfaction de l’hydrogène ne sont pas optimisées en termes de consommation énergétique, ce qui pèse sur le coût de revient : il varie de deux à trois euros par kilogramme.
Pour y remédier, ENGIE et ArianeGroup (qui utilise déjà de l’hydrogène pour la propulsion de ses lanceurs spatiaux) ont annoncé en septembre 2020 leur intention de développer une solution de rupture dans la liquéfaction de l’hydrogène qui permettra l’émergence d’une solution zéro-émission pour notamment l’aéronautique. |
Un des objectifs est de diviser par deux les coûts de la liquéfaction pour atteindre un euro par kilogramme. Sur son site de Vernon, dans l’Eure, le plus grand centre de recherche sur l’hydrogène liquide en Europe, ArianeGroup, sera en charge du développement des turbomachines (compresseur et turbines) de la solution. De son côté, Engie travaillera sur la conception et le design des cycles de liquéfaction de la solution. L’objectif est de parvenir à une première démonstration commerciale en 2025.
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