"Les énergies renouvelables et les infrastructures associées occupent le cœur de la stratégie de l'entreprise"
Le 12 avril 1981, un dimanche, en Belgique. J’avais eu 10 ans la veille. Juste après notre déjeuner, un événement historique s’est déroulé sous mes yeux, via un écran de télévision interposé, à des milliers de kilomètres de chez moi. De cap Canaveral, en Floride, une navette spatiale décollait pour la première fois, vingt ans jour pour jour après le premier vol spatial de Youri Gagarine.
Le bruit et la puissance des moteurs rugissants, semblant arracher Columbia à la gravité terrestre comme au ralenti, font tourner ma jeune tête et me font rêver. Des combustibles fossiles dont j’observais le pouvoir en images, je ne savais qu’une chose : nous en avions manqué au milieu des années 1970 ! Tout le monde pouvait faire du vélo sur les autoroutes le dimanche après-midi. Quant au changement climatique, il ne s’était manifesté qu’une seule année, en 1976, lorsque la piscine du camping n’a été remplie qu’à moitié à cause du manque d’eau pendant un été très chaud.
D’abord, en 2000, Mr E, leader du groupe des Eels, a chanté qu’il n’appréciait pas le lancement des fusées (ni les femmes trophées des astronautes d’ailleurs) parce qu’« il aime les oiseaux ». C’est le titre de la chanson et elle m’a servi de leçon. Ensuite, et surtout, la plus incroyable des transformations s’est produite dans mon entreprise, ENGIE.
Au milieu des années 1990, avec un petit groupe d’ingénieurs fraîchement diplômés, nous avons commencé à nous intéresser à des sujets étranges, comme l’énergie éolienne et solaire. Rien de très sérieux à l’époque, mais si d’un côté l’entreprise voulait que des centrales nucléaires, au charbon et au gaz continuent de surgir comme du pop-corn au micro-ondes, et que nos infrastructures transportent des mégatonnes de gaz naturel, elle devait de l’autre côté montrer, notamment au public et aux médias, qu’elle s’intéressait aussi aux énergies vertes. Nous étions encore très minoritaires, comparables à des plantes vertes dans un bureau où les personnes vraiment intelligentes prenaient en charge les projets sérieux, complexes et réels.
Premier lancement d’une navette spatiale, Columbia, le 12 avril 1981. |
Les Birkenstocks des hippies doux rêveurs ont été remplacées par des barbes de hipster, des pulls et des pantalons décontractés. Enfin, pas tout à fait, mais dans la société au départ franco- belge qu’est Engie, se débarrasser de la cravate était déjà suffisamment révolutionnaire. Tandis que le monde de l’énergie basculait en quelques décennies, trouver de nouvelles sources et relever les défis qu’elles posent, notamment composer avec leur nature décentralisée et intermittente, nous a conduits vers de nouveaux territoires inexplorés jusqu’alors, des hauteurs du ciel jusqu’aux profondeurs des océans.
Somme toute, la situation est assez simple. Notre planète ne dispose in fine que de trois sources d’énergie : le Soleil, la Lune (pour les marées) et la Terre elle-même. La plus importante, notre étoile, est la plus éloignée, à environ 150 millions de kilomètres. Sans énergie solaire, ni échauffement de l’air dans l’atmosphère, et donc pas de vent, ni photosynthèse, et donc pas de plantes, pas de biomasse, pas d’énergies fossiles. |
Le Soleil nous inonde chaque année de plus de 20 000 fois l’énergie primaire nécessaire pour satisfaire les besoins de l’humanité. Tous les besoins ! Se chauffer, faire tourner les machines, produire de l’eau potable, cuisiner... Et ce sera toujours le cas demain, lorsque nous serons environ 10 milliards d’habitants et que pour le plus grand nombre nous vivrons, espérons-le, longtemps et de façon prospère.
L’objectif est aussi clair que la situation : capter l’énergie quand et où on le désire. Avec les technologies éoliennes et solaires actuelles, les coûts de ces énergies renouvelables deviennent compétitifs avec ceux de la production d’électricité à partir de combustibles fossiles. L’avenir consistera donc à faire encore mieux afin de surpasser les avantages intrinsèques des solutions « mainstream » actuelles. En d’autres termes, l’objectif est de résoudre les problèmes d’intermittence et de baisser encore plus les coûts. C’est possible !
Lorsque j’avais 15 ans, mon professeur de français m’a fait découvrir un roman de Jules Verne publié en 1864. Après des centaines de pages où il est question d’affamer sa famille, de décoder un cryptogramme en caractères runiques islandais, des phrases latines à lire à l’envers, de rencontres avec un ichtyosaure et un plésiosaure… les personnages parviennent au terme d’un voyage épique qui n’a rien d’une promenade de santé dans les entrailles de la Terre. Là, tout n’est que tunnels volcaniques, océans souterrains déchaînés, roches fondues… Que d’énergie en vérité !
L’environnement est peut-être un peu rude, mais la terre en ébullition n’est désormais plus un simple entrepôt tranquille d’énergies au repos, comme le charbon ou le pétrole.
Avec une production plus décentralisée et des systèmes électriques et gaziers hautement connectés, la question du transport de l’énergie est sur la table. Les classiques lignes à haute tension suspendues à des pylônes sont de plus en plus remplacées par des lignes souterraines, les technologies basées sur le courant continu permettant de transporter l’électricité sur de très longues distances avec des pertes limitées. Le monde de la production d’électricité étant bien parti pour réduire considérablement ses émissions de gaz à effet de serre, dès lors que les technologies sont aujourd’hui disponibles et économiquement compétitives, la lutte contre le changement climatique se déporte sur d’autres secteurs, à commencer par les transports et l’industrie. La bonne nouvelle est que les leçons tirées du secteur de l’électricité valent aussi dans ces domaines.
Dans vingt ans, un vaisseau se posera-t-il sur Mars grâce à des énergies renouvelables ? |
Avec cette énorme diversité de nouvelles sources d’énergie et de solutions, adaptées à une transition énergétique durable, nous vivons une époque des plus excitantes. Et d’ici le 12 avril 2041, pour les 60 ans de Columbia, je m’attends à ce que mes petits-enfants vivent la même expérience époustouflante que moi lorsqu’ils verront SpaceX décoller vers Mars, propulsée par de l’hydrogène vert provenant de parcs éoliens flottants en mer, se ravitailler sur une base lunaire et poursuivre son voyage grâce à des cellules solaires ultra-efficaces. Et cette fois, les oiseaux pourront chanter tranquilles.
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