Un avenir durable commence par la modernisation des installations industrielles

Quelques mots sur votre parcours ?

Shivani
Je suis originaire d'Inde, où j’ai commencé des études en informatique. Je suis ensuite arivée en France, à Grenoble, où l'environnement est très propice à la recherche. J'ai ensuite fait une thèse de doctorat à Saclay, dans le domaine de l'IA et du machine learning.
Mes antécédents familiaux m'ont toujours poussée vers l’entreprenariat, et j'avais déjà quelques startups à mon actif. Je voulais créer une startup où la science servirait à résoudre un vrai problème. J'ai rejoint la cohorte Entrepreneur First où j'ai rencontré Laurent et nous avons lancé SAMP ensemble il y a environ trois ans.
Laurent  
Je suis passionné depuis longtemps par l'industrie lourde et particulièrement l'énergie où j'ai passé les 20 dernières années de ma carrière. Je suis diplômé de l'École Centrale en tant qu'ingénieur mécanicien après quoi j'ai fait un doctorat en modélisation 3D de systèmes complexes en Australie.
Après mon doctorat, j’ai commencé à travailler chez ENGIE, qui s'appelait encore Gaz de France, en tant que chef de projet pour l'inspection et la maintenance d’installations de gaz naturel. J'ai ensuite intégré une société d'ingénierie où j'étais à la tête d'une unité en charge de la conception et de la maintenance des énergies renouvelables et fossiles offshore.
Plus récemment, j'ai travaillé chez Dassault Systèmes, comme directeur technique en charge des solutions pour les process énergétiques et les utilities.  Toute ma carrière s'est ainsi déroulée au carrefour de l'industrie lourde et du numérique. Et il n'est donc pas étonnant que nous ayons lancé SAMP avec Shivani en utilisant le numérique pour aider l’industrie à passer au 21e siècle, ce qui est absolument nécessaire pour relever les défis actuels en matière de durabilité.    

Et comme Shivani vous aviez la fibre de l’entrepreneur ?

Laurent
Oui, ça a commencé chez Gaz de France quand j'ai suivi la formation « Coup de pouce » organisée par le Lab Crigen sur « l'intrapreneuriat ». Une semaine incroyable à Sophia Antipolis où j’ai choppé le virus et où j'ai su qu’un jour, je lancerai mon entreprise.
Il m'a fallu beaucoup de temps pour sauter le pas, mais j’y suis et c'est un voyage incroyable !

Parlez-moi de SAMP

Laurent
Nous sommes convaincus chez SAMP que nous ne pourrons atteindre les objectifs ambitieux qu'exigent la transition énergétique et la réduction des émissions de carbone qu'en transformant d'abord les installations industrielles existantes. Et c'est notre mission chez SAMP d’aider à transformer ces installations plus rapidement. 
C'est ce qui nous fait nous lever chaque matin avec le sourire et relever les défis techniques. Nous sommes persuadés qu'une transformation plus rapide de l’industrie est la première étape vers un développement plus durable.

Pour vous, être une femme / un homme dans ce métier, c’est plutôt un atout ou un handicap ?

Shivani
Ma réponse peut sembler banale, mais ça dépend vraiment du contexte, de la façon dont les autres vous perçoivent dans une certaine situation. 
Cependant, il faut bien reconnaître qu'il n'y a pas beaucoup de femmes dans ce secteur et si je peux profiter ma position pour en parler et inciter tout le monde - en particulier les femmes - à emprunter ce chemin s’ils le souhaitent, dans ce cas, j’utilise ma position de femme comme un aout.
Laurent
Je pense que les choses ont changé ces 10-15 dernières années, et continuent à changer de plus en plus vite. Il y a 15 ans quand je faisais de l'inspection et de la maintenance sur le terrain, être un homme était un atout parce que les opérateurs sur le terrain voulaient parler à leurs pairs. Pour ma défense, c'était il y a 15 ans !
Je pense que maintenant les gens considèrent comme leurs pairs les personnes qui ont les bonnes compétences et le bon parcours indépendamment de leur genre – le plus souvent.
Donc, je dirais qu'être un homme était un atout, mais c'est maintenant neutre et c’est une bonne chose.

Shivani, la situation est-elle différente ailleurs, par exemple en Inde ? 

Shivani
Je ne suis pas complètement d'accord. Il y a des différences mais dans mon master à Grenoble nous étions à peine 20% de femmes alors qu’au cours de ma licence en Inde il y avait 45% de femmes.
La situation en Inde est très variée. On y trouve des villes géantes et des villages, les mêmes différences qu'en France, mais à bien plus grande échelle car en Inde il y a 1 milliard de personnes et beaucoup de langues et de cultures différentes.     

Pour vous, l’égalité professionnelle c’est… ?

Shivani
Pour moi, l'égalité professionnelle, c'est deux choses : l'égalité des chances et un environnement propice.
Ce que j'entends par environnement propice, c'est que chaque personne impliquée prenne conscience de ses préjugés personnels, qu'ils soient de genre ou de race, et soit conscient que ses décisions seront plus objectives si elles sont basées sur les compétences et non sur leurs idées préconçues.
Je pense donc que si chaque individu travaille là-dessus, ce sera un grand pas vers la réalisation de l'environnement propice nécessaire.
Laurent
Je dirais que l'égalité professionnelle est le seul moyen d'exploiter le potentiel et les capacités de chaque individu, ce qui, à mon avis, est cruellement nécessaire pour faire face aux défis de notre société. Nous avons besoin des compétences et du plein potentiel de chacun, et c'est la seule façon d'y parvenir.
Cela devrait être une évidence.

Avez-vous une anecdote liée à l’égalité des sexes ?

Laurent
Il y a quelque temps, je faisais l’analyse des causes d'un accident industriel. C'était une usine avec de nombreuses pompes et le personnel devait suivre une procédure pour éteindre une pompe spécifique. Un employé a arrêté la mauvaise pompe, ce qui s'est avéré être la cause de l'accident. Nous enquêtions pour comprendre pourquoi ce type avait éteint la mauvaise pompe.
Il a fallu à ce gars 20 ou 30 minutes pour admettre qu'en interne au sein de son équipe - et il n'y avait que des hommes dans l'équipe - ils n'utilisaient pas la convention de dénomination normale pour les pompes, ils utilisaient le nom d'actrices célèbres… et vous pouvez imaginer quel type d'actrices ! Et donc il a confondu les noms et il a désactivé la mauvaise pompe.
C'était une approche très sexiste, et le gars avait vraiment honte d'admettre la façon dont ils faisaient habituellement référence aux pompes.
Il y a eu un rebondissement dans l'histoire. J'ai appris que six mois plus tard, leur patron avait changé et que le nouveau patron était une femme. Et ils n'ont plus eu d'accidents, ou de quasi-accidents.
Shivani
Je vais partager une histoire qui est arrivée à un ami qui a été assez courageux pour la raconter. Cet ami est écrivain et au cours d’un événement il devait rencontrer l'ambassadeur d'un certain pays.
Il s’est approché du couple assis à la table, a salué l'homme et a commencé à parler. Mais celui-ci lui a dit « Ce n’est pas moi l'ambassadeur. C'est la dame à côté de moi. »
C'est là que mon ami a pris conscience des biais qui nous font supposer que l’ambassadeur sera l'homme. Nos préjugés personnels sont parfois tellement inconscients que nous ne nous en rendons pas compte. Je pense que grâce à des exemples comme celui-ci, nous en devenons plus conscients. Et pour être tout à fait honnête, si j'avais été dans cette situation, j'aurais probablement eu la même réaction.

Pour revenir à votre travail, quelle dimension en trouvez-vous la plus excitante ?

Laurent
Depuis trois ans, depuis la création de SAMP, je n'ai pas eu deux fois la même journée ! Chaque jour amène un défi différent, des joies différentes, des difficultés différentes. Chaque jour est différent, et c'est vraiment passionnant.
Shivani
Pour moi, la partie la plus intéressante est de faire partie d'une mission, d'un projet qui résout des problématiques vraiment complexes. Et dans le même temps, travailler au sein d’une équipe talentueuse et engagée est quelque chose que j'apprécie vraiment

Quel est le projet le plus fou sur lequel vous ayez travaillé ?

Laurent 
C'est attendu, mais je dois dire que SAMP est un projet incroyable.
Au cours des trois dernières années, nous nous sommes sentis vraiment bénis et le succès que nous rencontrons aujourd'hui est assez incroyable.
Shivani
Je répondrais la même chose et en particulier en raison de l'échelle à laquelle nous le faisons et des risques que nous prenons.
Cette responsabilité et cet engagement sont un peu fous. Notre action a de vrais impacts et nous allons très vite. La vitesse à laquelle nous allons rend ce projet plus difficile car nous devons apprendre de nouvelles choses chaque jour et nous mettre au défi chaque jour. 
Et ça c'est vraiment fou !