Il nous faut démocratiser l’usage de l’hydrogène là où il a le plus besoin : dans les véhicules lourds, l’aérien et le maritime : camions, trains, avions et bateaux.
En France, les transports sont à l’origine de 31 % des émissions de gaz à effet de serre, l’activité la plus émettrice sur le territoire. L’hydrogène vert constitue une vraie piste d’avenir pour la mobilité décarbonée puisque son usage ne génère ni émissions de polluants, ni nuisances sonores. Quentin Nouvelot et Secil Torun, experts au ENGIE Lab CRIGEN, partagent leur expérience dans ce domaine stratégique et les avancées nécessaires à sa démocratisation dans le secteur des transports.
L’hydrogène répond à un premier enjeu-clé : celui de la qualité de l’air et du zéro-émission de CO2 au niveau local. C’est un secteur clé de la transition énergétique vers une mobilité plus durable. En effet, les véhicules à hydrogène, dont l’énergie est fournie par une pile à combustible, n’émettent que de l’eau. L’hydrogène renouvelable est donc aujourd’hui la seule solution technique capable de décarboner les transports au niveau local sur une certaine gamme d’usages : la mobilité routière, et en particulier lourde, avec le transport de marchandise, mais aussi maritime ou aéronautique représentent un champ d’application immense pour l’hydrogène. Mais son coût reste encore significatif vis-à-vis des véhicules à énergie fossile, c’est pourquoi l’objectif premier est la réduction des coûts afin que l’hydrogène vert, ou bas carbone, soit plus compétitif d’ici 2030 selon les types de véhicules et d’usages.
L’hydrogène renouvelable, dit vert, c’est-à-dire produit par électrolyse de l’eau, représente le chaînon manquant pour la mise en œuvre de la transition énergétique. D’après l’Hydrogen Council, ce gaz pourrait ainsi contribuer à hauteur de 20 % à la réduction des émissions carbone fixée par l’Accord de Paris.
Nous sommes face à trois principaux enjeux : le développement des infrastructures de distribution de l’hydrogène, son industrialisation et la normalisation du marché. Aujourd’hui principalement acheminé par camion et limité à environ une tonne transportée par véhicule, l’hydrogène doit être associé à d’autres modes de transport et de stockage pour se démocratiser. La production sur site – stations de chargement à hydrogène, sites industriels – répond en partie à cette problématique.
Les infrastructures de chargement de l’hydrogène représentent, certes, un investissement lourd mais sont nécessaire à la démocratisation de l’utilisation de cette énergie. Pour y arriver, il faut analyser les différents composants d’une station de chargement mais aussi tous ses aspects opérationnels. C’est là qu’entre en jeu l’expertise pointue développée au sein du ENGIE Lab CRIGEN, le centre de R&D du Groupe : nous modélisons ces stations afin d’en identifier les points faibles et de développer des systèmes innovants qui permettront de réduire les coûts d’investissement et opérationnels.
De plus, un large écosystème de fournisseurs d’énergie, d’équipements, de constructeurs d’infrastructures est en train de mettre en place les meilleures pratiques dans ces domaines. L’objectif ? Etablir un standard sur ce type d’opération pour que chacun puisse, à terme, déployer, en toute sécurité, des stations de chargement pour tout type de véhicule avec les bons protocoles de remplissage.
Par exemple, le ENGIE Lab CRIGEN participe à PRHYDE, un projet européen qui étudie les développements actuels et futures innovations nécessaires au ravitaillement des véhicules à hydrogène de poids moyen et lourd, principalement des véhicules routiers, mais aussi d'autres applications telles que le rail et le maritime.
Il nous faut démocratiser l’usage de l’hydrogène là où il a le plus besoin : dans les véhicules lourds, l’aérien et le maritime : camions, trains, avions et bateaux. Le ENGIE Lab CRIGEN a contribué à l’approvisionnement d’un train de voyageurs à partir d’hydrogène renouvelable dans le nord des Pays-Bas, une première mondiale. Ses modèles ont permis de déterminer le temps de chargement nécessaire et de bien maitriser chaque opération, comme identifier les bonnes conditions de température ou de pression dans des conditions sûres. L’excellence reconnue du ENGIE Lab CRIGEN lui permet de travailler avec un large écosystème de partenaires et start-ups sur les aspects opérationnels et sécurité afin de lancer le déploiement de ce type de trains à hydrogène aux Pays-Bas, en Allemagne, en France et partout en Europe.
Deux autres secteurs occupent aujourd’hui nos chercheurs : l’aviation et le maritime. Dans ce cas, il s’agit d’hydrogène sous forme liquide. Grâce à un partenariat avec Ariane Group, ENGIE développe une technologie de liquéfaction d’hydrogène pour décarboner le secteur. Le Lab CRIGEN se positionne très en amont de ces projets avec le développement de la technologie et sa commercialisation sur le marché pour permettre l’émergence de la mobilité à base d’hydrogène. Le Groupe intervient ensuite dans la fourniture des énergies, la maîtrise des infrastructures, des opérations de chargement des réservoirs et la logistique d’approvisionnement en entrée de ces stations d’hydrogène. Qu‘il soit liquide ou gazeux, l’hydrogène pourra alors être utilisé pour ses différents usages dans la mobilité et la logistique et être déployé dans les aéroports ou les ports.
Dernier territoire de recherche : les e-fuels, soit la conversion d'énergies renouvelables en différents types de carburants, en produisant de l’hydrogène vert, associé à du CO2 ou de l’azote pour produire, par exemple, du e-méthanol ou du e-kérosène. Là aussi, notre expertise nous permet d’adresser un très fort enjeu de l’aviation qui doit trouver des carburants moins émetteurs de CO2 en introduisant une part d’hydrogène vert, un autre axe de recherche en plein essor.
Pour répondre à ces enjeux, nous avons développé une plateforme d’essai unique, le H2 Factory, comprenant un électrolyseur produisant de l’hydrogène et des capacités de stockage avec un compresseur. L’objectif est d’y intégrer des pilotes et des technologies dans le cadre de nos différents projets européens. Nous espérons que notre écosystème de partenaires viendra également tester ses technologies. Cela nous permettra de réaliser des campagnes de tests pour maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur.
La normalisation et la standardisation de ces nouveaux marchés sont essentielles pour plus de confiance et de sécurité au sein de la filière. Or, c’est un secteur complexe qui consomme très différemment : un avion long-courrier ne consomme pas la même quantité d’énergie qu’un court-courrier, tout comme un navire short sea ou transocéanique. Les besoins en énergie ne sont pas les mêmes, l’hydrogène gazeux ne sera pas suffisant, il faudra ajouter de l’hydrogène liquide voire d’autres vecteurs énergétiques qui contiennent de l’hydrogène vert. Nous devons imaginer les nouvelles voies et infrastructures pour permettre à ces filières de se développer : aller vers des infrastructures de grande échelle, fournir la molécule la moins chère possible pour que la mobilité lourde hydrogène devienne une réalité, et cela, grâce à des partenaires stratégiques mais aussi à un cadre standardisé.
Au ENGIE Lab CRIGEN, nous avons contribué à la rédaction des normes ISO et CEN2 sur les stations à hydrogène et travaillons actuellement sur la norme des protocoles de remplissage, destinée à adresser les besoins de tout type de véhicule, à définir des standards et à assurer l’interopérabilité des stations et véhicules. Nous participons au pack réglementaire en cours de rédaction avec le CNH2 auquel ENGIE et le gouvernement français prennent part et qui devrait lever certains verrous réglementaires au cours des 12 prochains mois et ainsi faire avancer la filière.
Il est également essentiel de s’intéresser de près à la qualité et à la performance de l’hydrogène, pour garantir un vecteur énergétique fiable pour le plus grand nombre. Au ENGIE Lab CRIGEN, nous faisons des analyses de qualité en stations avec des bancs d’échantillonnage spécifiques à ENGIE pour garantir que l’hydrogène en sortie des stations ENGIE est bien compatible avec les normes mises en place.
Enfin, la sécurité est un enjeu fort pour une exploitation par le grand public. Il est essentiel de continuer à étudier les risques liés à l’hydrogène qui sont différents de ceux liés aux carburants fossiles et de travailler avec l’ensemble de la filière pour mettre en place les bonnes pratiques nécessaires à une filière d’hydrogène sûre.
ENGIE accompagne les territoires à plusieurs niveaux, en développant des solutions de mobilité à hydrogène, en accompagnant leur mise en place (ENGIE opère déjà une quinzaine de station est a pour objectif d’atteindre 100 stations d’ici 2030) et en travaillant sur des projets de Recherche & Développement nécessaires à la démocratisation de l’hydrogène pour le plus grand nombre. Au ENGIE Lab dédié à l’hydrogène, une trentaine de personnes, doctorants, ingénieurs de recherches et alternants travaillent avec les autres Labs du ENGIE Lab CRIGEN car l’hydrogène est un vecteur énergétique qui a différentes applications. Par exemple, avec le Lab Industrie, nous cherchons des solutions pour décarboner des systèmes industriels quand, avec le Lab Villes & Territoires, nous travaillons sur un quartier 100 % hydrogène pour produire de l’électricité et de la chaleur à l’échelle d’un quartier.
L’objectif est d’adresser toute la chaîne de valeur de l’hydrogène – production, transport, stockage, distribution et développement des usages mais aussi sécurité, groupe de normalisation et de standardisation – pour trouver tous les systèmes de production de l’hydrogène existants et permettre une réduction de coûts suffisamment forte pour lui permettre de pénétrer certains secteurs industriels. Nous adoptons une démarche partenariale avec l’ensemble des acteurs de notre écosystème en discutant, par exemple, avec un armateur qui va investir sur une trentaine d’années dans un navire qui devra respecter les exigences de réduction des émissions de CO2. Cet armateur veut avoir l’assurance qu’il pourra charger son énergie, en toute sécurité, dans tous les ports où il se rendra. Or, aujourd’hui, l’un des principaux freins à la démocratisation de l’hydrogène est le développement d’infrastructures pour rendre la fabrication de ce carburant possible à grande échelle et à un prix compétitif.
La démocratisation de l’hydrogène est l’affaire de tous et se réalisera grâce à la mobilisation collective des énergéticiens, des industriels du secteur et des territoires. Alors que les solutions technologiques sont matures, le passage à l’échelle reste stratégique pour réduire les coûts, et par extension permettre le développement de la filière, grâce à une professionnalisation de celle-ci, l’amélioration de l’excellence opérationnelle et des performances.
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